| | Evanore A. Blavatsky § History has its eyes on you | |
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Sujet: Evanore A. Blavatsky § History has its eyes on you Mer 2 Jan - 11:10 | |
| | | | | | | Evanore A. Blavatsky | Informations civiles | Nom : Blavatsky. Discret, c’est bien vrai. Beaucoup plus que Prendergast, il faut l’avouer. Helena mise à part, peu de ses ancêtres ont vraiment su marquer l’histoire, mais qu’importe ; elle laisse l’honneur à ses cousins. | Prénom(s) : Evanore. Rien de bien spécial, ni de très russe. Mais après l’exil de ses arrières grands-parents, il était assez contraignant d’oser opter pour un prénom slave. Pourquoi se restreindre aux origines, la mère patrie n’étant plus ce qu’elle était ? Son deuxième prénom, Alexandra réussit amplement à calmer les ancêtres. | Date de naissance : 13 octobre 1966. Il pleuvait sur l’Île de Man, ce jour là. Beaucoup, même. Le ciel était en colère, selon certains ; le tonnerre faisait trembler la terre, tandis que les nuages sanglotaient leurs lourdes larmes. Tout pour annoncer un mauvais présage. Or, pour deux nouveaux parents, il n’y avait rien à craindre : le soleil était bien là, rayonnant, au creux de leurs bras. | ge actuel : 35 ans. Bonté divine. Combien le temps avance. Si les cheveux blancs n’ont pas encore pris sa chevelure en otage, de petites rides commencent à apparaître au coin de se ses timides sourires. | Origines : Russes et mannoises. Suite à la révolution russe de 1921, les parents d’Ygor Blavatsky se sont exilés du pays à la recherche d’une terre d’asile pour leur famille. C’est sur l’Île de Man qu’ils ont trouvé refuge, et c’est dans ce petit pays que leur fils épousera la fille d’une ancienne connaissance. Ensemble, ils auront deux enfants, Isadora et Ewen, respectivement la tante et le père de notre Evanore. | Occupation : Historienne, spécialisée dans les arts occultes et les formes de magie anciennes. Mais n’était-ce pas écrit dans le ciel ? Avec Helena Blavatsky comme ancêtre, comment ne pas s’intéresser aux merveilleux secrets de la magie antique ? À travers ouvrages, projets de recherches et thèses, Evanore occupe son vide présent par les incroyables vestiges du passé. | Alignement politique :Progressiste pro-magie. Venant d’une famille reconnue pour son amour du passé et sa confiance en l’avenir, il va de soi qu’elle refuse de se plier aux conventions dépassées. Certaines choses, bien qu’elles méritent leur place dans l’Histoire, n’ont plus rien à faire dans le présent. |
| Informations Magiques | Statut de sang : Sang-mêlée, mais quelle importance ? Si tout le monde avait continué à se reproduire entre frères et soeurs sous prétexte de préservation de la lignée, il n’y aurait plus un seul être humain sur Terre ; les difformités et les maladies génétiques auraient éradiqué l'espèce au fil des siècles. La question de pureté du sang a cessé d’exister presque entièrement chez les moldus, il y a de cela des générations, alors pourquoi, sorciers, choisir de rester si arriérés ? | Baguette : 26 cm et d’une rigidité surprenante, elle est sculptée en tilleul argenté et contient, en son coeur, un long cheveu de Vélane. Sa première s’étant enflammée lorsqu’elle l’a délaissée pour la quiétude des archives, elle s’est procuré cette seconde baguette en France, lors de son tout premier projet indépendant de recherche. | Patronus : Un bonobo. Quelle n’était pas sa surprise lorsqu’elle l’a invoqué pour la première fois ! De tous les animaux, elle ne s’attendait certainement pas à un primate. | Épouvantard : Elle, et eux, et tous les autres ; ils crépitent, ils hurlent, ils dansent sous les flammes. La chair brûle, les pages brûlent, les plantes brûlent. Même l’eau de son île brûle. Il n’y a que le morceau de sycomore qui reste intact, malgré le feu qui le lèche. Bien que tout petit, il la nargue de sa grandeur. | Miroir du Rised : Elle se voit elle-même, telle qu’elle est. « Quelle chance ! direz-vous. Elle est parfaitement comblée ! » Pas tout à fait. Car si le miroir ne lui renvoie que l’image de son portrait, c’est qu’elle n’arrive plus à visualiser l’avenir. Elle ne désire plus. Elle attend que le temps passe, l’esprit occupé par ses recherches, jusqu’au jour où la mort lui présentera son tombeau. | Ancienne école/maison : Serdaigle. À l’époque, c’était une grande surprise. Certes, elle avait toujours été très érudite, mais son ambition et le feu qui l’animait avaient longtemps dominé chez l’enfant. À croire que le Choixpeau avait prévu que sa ferveur finirait par fondre sous la chaleur de la braise. | Idées Préconçues :Persuadée que moldus et sorciers devraient être égaux, elle tâche de s'abstenir de tout jugement et reste loin des stéréotypes. Fière de sa famille progressiste, elle se considère tolérante et ouverte à tous. Tous, sauf ceux ne partageant pas sa façon de voir les choses. Après la levée du secret et le marché florissant de la technomagie, il est pour elle inconcevable que quiconque préfère la ségrégation à la bonne entente. |
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Descriptions | Caractère & Informations
➺ Mystérieuse, elle garde les secrets de son coeur dans une boîte impénétrable qu’elle a verrouillé à clef. Ni sa famille, ni son restreint entourage, ni elle-même ne peut avoir accès à ses émotions. ➺ Sarcastique, elle dissimule souvent ses pensées avec des tournures de phrases directes et ironiques. ➺ Loyale, elle sait reconnaître ceux qui méritent son affection et ceux qu’elle doit laisser derrière. ➺ Solitaire, il lui arrive parfois d’imaginer la vie si elle avait poursuivi un chemin tout autre, si elle ne s’était pas laissée mourir dans l’incendie. ➺ Craintive, elle se choisira toujours avant les autres. Très rares sont ceux pour qui elle prendrait des risques. ➺ Érudite, elle a toujours su faire mourir de jalousie ses camarades de classe. ➺ Ambitieuse ou, du moins, le fut-elle à un moment de sa vie. ➺ Irritable, elle s’emporte extrêmement facilement. Gare à celui qui tenterait de la contrarier. ➺ Brillante, et ce, depuis longtemps. La douleur ne lui a pas arraché sa raison et sa logique. ➺ Sensible, elle est tout de même troublée lorsqu’elle perçoit de la tristesse chez un proche.
➺ Complètement terrifiée du feu, la simple chaleur extrême d’une canicule imprévue suffit à lui donner des sueurs froides. ➺ Souffrante du syndrome des ovaires polykystiques, il lui arrive fréquemment de se tordre de douleur, même plus de quinze ans après son diagnostic. ➺ Enfant unique, elle n’a jamais eu de petits à son tour ; non seulement sa condition rend-t-elle les grossesses plus rares, mais l’idée de se caser l’a abandonnée il y a longtemps. ➺ Ses ouvrages sont utilisés dans les établissements scolaires et sont collectionnés par les amateurs d’histoire de la magie. Sa plume étant probablement son plus grand atout, elle arrive à simplifier et à décortiquer des événements parmi les plus complexes et les plus obscurs du passé, réussissant même à faire hausser les sourcils des élèves les plus désintéressés. ➺ Elle n’a plus vraiment d’amis depuis Poudlard, mais ne cherche pas vraiment à élargir son cercle non plus ; ses déplacements constants à travers le monde et ses séjours prolongés dans son bureau lui ont valu le titre d’ermite professionnelle par ses parents, qui n’attendaient rien d’autre que des petits-enfants à choyer. ➺ Si les Blavatsky ont toujours eu une fortune raisonnable, ils ont préféré la simplicité de la vie, et Evanore ne fait pas exception à la règle. Ses gallions sont aussi confortablement installés chez Gringotts qu’elle ne l’est dans son petit appartement.
| Opinions sur la Mixité
Trop tôt. Trop tôt pour trancher, trop tôt pour choisir un clan ; car oui, clans il y a. Les dualités, les différences, elles existent depuis toujours et ne cesseront d’exister. Pas aujourd’hui, pas demain. Si le conflit n’est pas entre riches et pauvres, entre hommes et femmes, entre sorciers et moldus, il changera tout simplement de cible. La mixité, une bonne idée ? Certainement. La mixité, une bonne idée sans conséquences ? Probablement pas.
| Réputation
Elle est de ces personnes auxquelles on ne pense pas, mais dont on a forcément entendu prononcer le nom. Elle est celle dont la tante a disparu des yeux du monde, celle qui a mis le feu à sa famille et à sa communauté. Ceux se tenant loin des ragots reconnaissent peut-être son patronyme de par ses manuels et ses ouvrages d’histoire de la magie, mais sans plus ; elle n’est pas de ceux ayant accomplis grand chose d’utile pour le monde de demain. Par contre, les conservateurs, les aristocrates ou, simplement, les vipères avides de rumeurs déglutissent à la simple énonciation de son nom. Ce sang impur, ce sang maudit, qui a ruiné la lignée d’une famille pourtant si noble, par un mariage d’amour qui n’aurait jamais dû dépasser le stade du rêve fou.
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Biographie | - La fausse maîtresse:
Helena Blavatsky. Née en 1831, elle est le point de départ de cette histoire. Elle est celle qui, involontairement, a changé l’avenir et la vocation d’une famille entière et ce, des générations durant. Car Helena était une occultiste et une philosophe moldue aux ambitions d’exploration beaucoup plus importantes que celles de femme au foyer. Ce qu’elle voulait, c’était de faire le tour du monde mais, avant même d’avoir atteint la vingtaine, elle se maria au général Blavatsky, vice-gouverneur de la province d’Erevan, surprenant l’entièreté de son entourage. Les décennies séparant le couple et la frigidité de la jeune femme empêchèrent le mariage d’être consommé, poussant ainsi le très cher époux à assouvir ses besoins ailleurs. Quelques mois après les épousailles, cependant, notre gouverneur appris qu’une de ses femmes de chambre attendait son bâtard, et réalisa au même moment combien Helena était malheureuse. Durant toute une nuit, il se creusa la tête à la recherche de la solution la plus avantageuse pour tous, pour ne trouver qu’une entente plutôt farfelue : la liberté d’Helena contre une mère pour l’enfant. Elle n’aurait pas à participer, elle n’aurait pas à rester ; mais le petit serait convaincu qu’il avait pour mère une aventurière et occultiste hors pair, grandissant donc loin des moqueries des autres et de la douleur d’être orphelin.
Ainsi, au fil des décennies, on continuait de faire les éloges de la grande Helena Blavatsky, l’ancêtre dont on était si fier. L’arrivée de la magie dans la famille ne changea rien au respect infini accordé aux travaux d’Helena, et sa passion pour l’occulte et les formes anciennes d'enchantement se transmit de génération en génération. Encore aujourd’hui, ses écrits et recherches sont étudiés par ses descendants, qui nient tous les ragots et les mensonges mettant en doute leur filiation avec celle qu’ils admirent tant.
- Poussière sur la ville:
La vie était tranquille, au village de Laxey. Pas de drames, pas de scandales. On ne se souciait pas du sang, de la magie ou des métiers de prestige. Avec moins de 2000 habitants, il aurait été plutôt imbécile d’oser s’aventurer dans la voie de l’aversion et de la méfiance. Alors on fermait les yeux sur des événements étranges, on faisait la sourde oreille face à certaines paroles qu’on aurait préféré ne jamais entendre. Dans une si petite communauté, il fallait se serrer les coudes constamment. Autrement, les jours seraient sans fins ; le crépuscule se lamenterait de l’aurore qui refuse de lui céder sa place le temps d’une soirée. Car sur cette île infime, les jours passaient parfois si lentement que le plus solitaire des prisonniers ne saurait survivre sans compagnon. Ainsi, on faisait de la bonne entente, de l’ouverture d’esprit et du respect inconditionnel notre poudre, que l’on se tapotait au visage pour camoufler notre hideuse hypocrisie.
Mais lorsque Isadora ramenait son mari et leurs enfants, on se crispait. On les regardait arriver en serrant les poings, en plissant les yeux ; ils menaçaient cette harmonie qu’on avait si durement bâtie. Car si on avait vu la jeune femme grandir en compagnie de sa famille, on avait toujours soupçonné l’homme qu’elle avait choisi d’entraîner avec lui la poisse. Même qu’un été, quelques jours après leur arrivée, le grand moulin avait cessé de tourner, et on n’avait jamais réussi à blâmer la mauvaise fortune. Si on choisissait d’aimer chaque membre de la communauté, rien ne nous forçait à l’accepter lui. On avait entendu parler de sa famille et de son passé. On ne savait pas tout, évidemment, mais suffisamment. Oh, oui. On en savait assez.
Pourtant, la petite Evanore, elle, n’avait jamais rejeté ses cousins. Même ses parents éprouvaient des réserves, des craintes, quant au futur qui attendait Isadora. Mais si la femme avait choisi d’ignorer les avertissements, sa nièce en avait fait tout autant. Ainsi, d’été en été, elle accueillait sa famille avec un sourire radieux, toujours ravie de retrouver ses partenaires de jeu. Elle avait une préférence pour le garçon, cela dit ; lui, au moins, courrait suffisamment rapidement pour suivre son rythme. Mais c’était la fillette qui était la plus attentive lors de ses leçons. Les premières années, elle leur enseignait joyeusement quelques mots mannois, fière de son patrimoine historique et culturel, bien qu’au fond, elle ne le comprenait pas encore tout à fait. En vieillissant, elle apprit à lire et se fit un plaisir de leur raconter tout ce qu’il y avait à savoir sur l’histoire de son île et sur les écrits de leur ancêtre commune. Ensemble, ils partageaient des semaines animées et ne laissaient pas le temps au soleil de compléter son cycle qu’ils le réclamaient déjà.
Pourtant, on n’arrivait toujours pas à accepter ces étrangers. Ils se promenaient avec une aura étrange, une aura dangereuse, et on était incapable de mettre le doigt sur ce qui clochait. Alors, quand ils partaient enfin, on pouvait respirer de nouveau. Mais la fillette Blavatsky, quant à elle, sombrait dans une sombre mélancolie qui pouvait lui durer plusieurs jours. Elle mangeait à peine, passant ses repas à piquer ses aliments avec sa fourchette, des souvenirs heureux et des images floues martelant sa tête. C’était son petit rituel. Elle s’imposait un deuil, comme pour offrir à ces enfants qu’elle aimait tant une dernière pensée, un dernier hommage, avant de reprendre le cours de sa vie. Et au fil des ans, cette routine devint de plus en plus sérieuse, de plus en plus provocatrice. Car elle savait très bien qu’on ne les aimait pas du tout. Par son silence de morte, par son jeun et ses moues moroses, elle transmettait sa douleur profonde, sa lourde déception envers sa communauté. Eux, qui avaient choisi d’aimer, qui avaient choisi d’accepter ; de quel droit se permettaient-ils d’exclure une famille ? D’en faire leur exception de choix ? Quel autre crime que celui d’exister avaient-ils donc commis ? Elle ne savait pas.
Elle ne saura probablement jamais.
- Une page d’amour:
C’était le deuxième hiver qu’elle voyait tomber sur Poudlard et, pourtant, la lourde neige l’impressionnait toujours autant. Le froid, n’ayant pas encore atteint son apogée, ne ruinait pas encore les longues balades à travers les sentiers immaculés. C’était d’ailleurs entre les arbres pesants que Evanore se promenait lorsqu’elle déplia enfin la lettre qui lui avait été envoyée le matin même. Sur l’enveloppe, l’écriture soignée de son père avait écrit d’une main tremblante qu’elle devait consulter son contenu qu’une fois seule et tranquille. Elle s’était donc armée de patience et avait attendu la fin des cours pour se permettre de découvrir ce que contenait donc cette missive.
À l’intérieur, les étudiants se dirigeaient vers la Grande Salle un peu en avance, ou traînaient entre eux dans leur salle commune. Ghrystal devait être quelque part entre ces deux lieux avec ses camarades, auxquels il s’était de plus en plus lié d’amitié. Il était rassurant pour la jeune fille de voir son cousin s’adapter si facilement à son nouvel environnement, même s’il lui pinçait le coeur de sentir qu’il avait de moins en moins besoin d’elle. Elle avait adoré jouer à la mentor durant les premiers mois de sa scolarité, mais le garçon développait définitivement une autonomie grandissante, et le temps qu’il lui accordait se faisait désormais presque rare. Pour ce soir, ça l’arrangeait ; comment expliquer cette nécessité inexpliquée de solitude ? C’est mieux comme ça, pensa-t-elle en dépliant soigneusement les écrits de son père :
Ma douce Evanore,
Je t’écris à la hâte, mais j’espère que mes mots seront justes malgré la situation. Je vais aller droit au but : Oswald Prendergast, le grand-père de tes cousins, m’a envoyé un patronus très tôt, ce matin. Il était déformé, distordu et difficile à saisir, mais il nous demandait, à ta mère et moi, d’aller chercher Aldabella. Elle passait la soirée d’hier chez lui, tandis que ses parents avaient prévu de sortir ensemble pour la soirée. Mais après l’avoir couchée, il s’est endormi à son tour et n’a pas vu le temps passer. Ce n’est qu’avec l’aurore qu’il s’est réveillé, et il a réalisé qu’Austell et Isadora n’étaient pas là, alors que leur fille dormait toujours à l’étage.
Ils sont injoignables, introuvables. Ta cousine est auprès de nous, puisque son grand-père est dans tous ses états. Il a insisté lui-même pour annoncer la nouvelle à Ghrystal, alors je me suis forcé à t’écrire le plus rapidement possible, en espérant que ce hibou express saura te joindre avant demain matin. Evanore, il te faut bien comprendre : pour lui, rien ne sera plus pareil. Il jouera au dur à cuire, mais ce n’est qu’un enfant. La tâche que je te demande n’est pas légère, mais je sais que tu sauras y répondre : veilles sur lui. Aussi difficile cela puisse-t-il être pour toi, il te faudra être forte pour lui.
Nous sommes ce qui le rapproche le plus de sa mère, et son grand-père est la dernière trace de Austell qu’il a pour l’instant. Tu sais parfaitement ce que ta mère et moi pensons de sa famille paternelle, alors surveille bien à ce qu’il ne tangue pas du mauvais côté. Sans Austell, Ghrystal devient le prochain de la lignée Prendergast, et tu dois bien te douter qu’ils voudront le modeler à leur image. On ne peut pas se permettre que le fils d’Isadora devienne comme eux. En attendant son retour, il nous faut veiller sur ses enfants au maximum de nos capacités. C’est notre devoir.
Garde un oeil sur lui lors de la remise du courrier, demain. Tu es son dernier repère. Cependant, ma fille, n’oublie pas : n’ignore pas tes limites. Ne te laisse pas couler pour pousser un autre à la surface. Si les enfants de ma soeur me sont plus précieux que la prunelle de mes yeux, tu restes à jamais plus importante que ma propre vie.
Je t’aime, Evanore, et sois forte. Je t’en sais capable. Nous avons si hâte de te voir pour Noël.
Papa
Elle avait été forcée de s’arrêter pour s’appuyer contre le tronc d’un de ces arbres qui, involontairement, étaient devenus son sanctuaire. L’air froid brûlait sa poitrine, les larmes brouillaient sa vue. Si elle n’avait pas saisi tous les mots complexes que son père avait glissé dans sa missive, elle avait compris l’essentiel. Son oncle et sa tante, disparus ? Comment était-ce possible ? Pourquoi ? Des questions, tellement de questions se bousculaient et s’entrechoquaient dans sa tête, toutes pourtant sans réponses. Mais le temps n’était pas aux interrogations. Demain, il lui faudrait veiller sur Ghrystal. Il lui faudrait se montrer compréhensive, mais transparente. Elle irait s’asseoir à ses côtés, quand le courrier arriverait. Elle attendrait qu’il déchire l’enveloppe avant de poser une main sur son épaule pour témoigner sa présence. Et ensuite, elle s’adapterait à sa réaction. S’il désirait l’avoir à ses côtés, alors elle le serait. S’il souhaitait rester seul, alors elle respecterait son choix.
C’est en se répétant les étapes en boucle qu’elle se leva de la table des Serdaigle lorsque, le lendemain, les hiboux traversèrent la Grande Salle. Et lorsqu’une lettre tomba devant Ghrystal, il releva la tête sous le coup de la surprise et croisa le regard de sa cousine qui se tenait là, entre deux tables, au loin, et il lui sourit malicieusement. Mais elle, elle ne bougeait pas. Elle n’y arrivait pas. Alors, visiblement mal à l’aise de son comportement étrange, il laissa échapper un petit rire et baissa les yeux vers son courrier. Mais Evanore, toujours, ne bougeait pas. Dans sa poitrine, son coeur semblait vouloir exploser, défoncer sa cage thoracique et s’enfuir. Ses jambes tremblaient encore plus violemment que les feuilles fragiles d’un arbre victime des vents d’octobre. Dans sa tête, les questions de la veille avaient disparues ; il n’y avait que le noir, que le silence, perturbés par le sifflement qui envahissait ses oreilles. Son plan s’était envolé. Comme ça. Elle avait tout oublié. La vie s’animait mais elle, elle ne bougeait pas.
Elle ne bougeait plus.
- Les Trois souhaits:
Il lui arrivait, de plus en plus fréquemment, d’être gagnée d’étranges pensées lorsqu’elle saisissait un objet, un vêtement ou quelque matière qu’il soit. Parfois, souvent elle voyait une usine et ses composantes ; les rouages, les tapis roulants, les visages flous des ouvriers, les mêmes items reproduits à la chaîne. Il lui arrivait de se visualiser sur un établi, et son regard croisait celui d’un artisan qui dirigeait son outil droit sur elle. De temps à autres, les visions la prenaient tellement par surprise qu’elle lâchait un cri pour s’en sortir, comme lors d’un mauvais rêve. Au début, elle arrivait à les ignorer, mais elles devenaient de plus en plus vives, de plus en plus récurrentes. Alors, lors de ses vacances d’été avant sa quatrième année, ses parents décidèrent de prendre rendez-vous avec un psychomage. Par précaution. Quelle ne fut pas la surprise du trio d’apprendre que sa santé mentale se portait non seulement à merveille, mais que ses étranges visions étaient probablement les premières manifestations de quelque chose de plus grand.
Après de nombreuses recherches et quelques rencontres avec des experts, il fut conclu que Evanore avait effectivement en elle un potentiel énorme pour quelque chose d’extraordinaire ; si certains passaient leur vie à tenter de prévenir l’avenir, la jeune fille avait, quant à elle, la possibilité de voir le passé. Elle n’avait pas accès à tout, bien évidemment ; rien que l’origine des choses, le commencement. Et si elle désirait explorer ce passé qui, à ce jour, ne lui apparaissait que sous forme d’images aléatoires, il lui faudrait de l’entrainement. Il lui faudrait du temps, de l’effort. Mais elle était déterminée à travailler aussi durement que nécessaire. Cette habileté qu’elle avait, ce don, elle comptait l’utiliser à bon escient.
Ainsi fût-il naturel que la première personne à qui elle confia cette nouvelle soit son cousin. Tout de suite, elle imaginait combien, une fois son pouvoir maîtrisé, elle serait utile à la recherche de son oncle et de sa tante. Ensemble, ils s’imaginaient les sauver en poursuivant, d’indice en indice, les pistes pouvant être laissées par le passé. Avec Aldabella, ils élaboraient leurs futures carrières d’aurors, se voyant attrapper en trio les plus grands mages noirs du futur. Si Evanore ne pouvait annoncer l’avenir, elle était tout de même persuadée, au plus profond d’elle-même, qu’ils étaient tous les trois destinés à quelque chose de grandiose.
- Deux amis:
La répartition avait toujours quelque chose de magique, de merveilleux. Des enfants surexcités aux étudiants curieux et impatients, tous s'exaltaient face aux nouveaux arrivants des quatre maisons. Or, dans la foulée d’enthousiasme, trois étudiants se tenaient bien droits, une boule au creux de leur ventre. Ils savaient qu’Elle monterait et que le Choixpeau La répartirait. Idéalement, il l’envoyait chez les Rouges et les Bleus, quoique les Jaunes sauraient prendre soin d’Elle. Mais ils en doutaient. Si la plus jeune savait qu’il y avait beaucoup en jeu, c’était les deux aînés qui étaient les plus anxieux. Cette enfant, elle représentait à la fois une chance et une malédiction. Elle était le futur comme elle était le passé. Et ce soir saurait leur donner une première idée quant au travail qui les attendait pour mener à bien leur mission. Plusieurs noms furent appelé avant que Cirice Podmore ne résonne dans la grande salle. Instinctivement, Evanore se tendit encore plus, envahie par l’anticipation qui la rongeait de l’intérieur. Cirice. C’était son père qui lui en avait parlé. Petite-fille de Marigold Prendergast, elle avait grandi dans un environnement qu’ils ignoraient mais qu’ils redoutaient. Que pensait-elle du passé de la famille ? Et quelle était sa vision quant à son avenir ? Était-elle même déjà promise à un garçon avec qui elle partageait du sang ? Pour l’instant, il était impossible d’en être certains, mais le verdict du Choixpeau saurait peut-être les éclairer quant à la stratégie à adopter. Alors ils tendirent l’oreille. L’attente ne fut pas longue avant qu’un imposant Serpentard ! ne résonne à travers la pièce. Eh misère, pensa Evanore en soupirant, tandis que la fillette rejoignait sa table en gambadant presque. En se frottant le front de ses doigts frêles, elle tenta un regard vers la table des Gryffondor, les sourcils froncés ; Aldabella observait son frère avec inquiétude tandis que, lui, fixait la Verte gagner sa maison, avant de croiser le regard de sa cousine. La déception était parfaitement explicite dans leurs yeux, mais elle se changea rapidement en détermination. De quatre et cinq ans son aînés, ils possédaient une notoriété difficile à nier. Ils y arriveraient. * * * Elle n’aurait jamais imaginé une seule seconde qu'en une année scolaire, elle aurait réussi à se lier autant d’amitié avec la petite Cirice. Si c’était un mauvais pressentiment qui l’avait d’abord animée, ses efforts n’avaient jamais été vains et les voilà à se dire au revoir sur le quai de la gare, se promettant de s’écrire durant l’été. Evanore avait su être un guide, un mentor pour la petite Podmore, et l’avenir s’annonçait brillant pour eux. Si elle réussissait à garder ce lien qui les unissait désormais, peut-être serait-il possible de gagner un soldat de plus à leur bataille. Il fallait calculer chaque mouvement stratégiquement, réfléchir à chaque parole prononcée. C’était quelque chose qui prendrait du temps et de la ruse, mais ce n’était pas impossible. Il lui fallait éduquer cette jeune fille avec la vision de l’avenir, et tenter de supprimer toute forme d’idéologie la retenant au passé. Le monde changeait, elle le sentait. Il leur fallait changer avec lui.
- Orgeuil et préjugés:
Seize ans, maintenant. Seize ans et toujours rien. On lui assurait, pourtant, qu’il n’y avait rien à regretter, rien à attendre désespérément. Le jour où ça arriverait, elle réaliserait combien elle avait eu de la chance que ça tarde tant. Que ce sang qu’elle attendait en priant était une malédiction. Ses quelques camarades se tordaient parfois de douleur par la faute de ce phénomène, en marmonnant qu’elles voulaient que ça cesse. Elles juraient, chialaient, râlaient lorsque le cycle s’achevait, sachant très bien ce qui viendrait ensuite. Mais Evanore, depuis ses onze ans, attendait sur le qui-vive. Elle voyait les étés et les hivers s'enchaîner en s’inquiétant un peu plus à chaque anniversaire, bien qu’on lui assurait qu’il arrivait pour certaines femmes que la première fois puisse prendre du temps. Mais l’été de ses seize ans, sa mère n’arrivait plus à dissimuler ses craintes derrière son sourire ; l’été de ses seize ans, elle lui imposa un rendez-vous chez le gynécologue, pour comprendre, pour se rassurer. On lui fit passer quelques tests, une échographie et autres examens intimidants dont elle n’avait jamais entendu parler et enfin, on la rappela. À seize ans, le diagnostic tomba.
Elle n’ovulait pas. Elle n’ovulerait peut-être jamais. Symptôme fréquent, mais pas systématique, de cette damnation qu’était le syndrôme des ovaires polykystiques. Et avec l’absence d’ovules se présentait la fatalité à laquelle Evanore n’avait d’autres choix que de se soumettre : l’infertilité. Elle n’avait jamais songé à si elle désirait des enfants un jour, mais elle aurait préféré avoir le privilège de trancher par elle-même. C’était une décision qui lui revenait de droit, qu’elle méritait et qu’on n’avait pas le droit de lui arracher. Mais son corps, son terrible corps, s’était retourné contre elle. Elle n’avait pas son mot à dire, pas droit à son opinion. Tu te tais et tu subis, lui crachait son utérus. Tant pis pour toi, c’est moi qui décide.
Elle n’eut pas le temps de faire son deuil. Bientôt, les feuilles des arbres commencèrent à trembler, laissant leurs vertes veines s'imprégner de jaune, de rouge, de marron. Bientôt, elle dût faire ses valises, le coeur lourd, et quitter son île pour un collège qu’elle n’avait plus envie de fréquenter. Bientôt, elle se laissa tomber sur un banc du train, livre à la main, et dû demander à Russell, l’ami le plus proche qu’elle avait, de la laisser seule le temps du voyage. Bientôt, elle salua poliment Cirice en passant devant sa table dans la Grande Salle, sous les yeux inquiets de la jeune fille et de sa cousine, toutes deux confuses quant à son comportement. Mais, bientôt, la blessure commença à s’estomper. La présence d’autres femmes lui faisait moins mal, la pensée constante de son syndrôme s'estompa doucement. Certes, elle y songeait toujours, de temps à autres, mais son coeur ne se serrait plus autant lorsqu’elle voyait la petite Cirice grimacer discrètement des crampes qui la prenaient, lorsqu’une camarade lui demandait si elle avait un tampon sur elle. Mais, toujours, elle avait au creux de son ventre cette boule d’émotions négatives, qui jamais ne laisserait sa place à un enfant.
L’automne laissa place à l’hiver, puis au printemps ; la colère se changea en tristesse, puis en résignation. Seule sur son banc, sous la douce caresse d’un mars mourant, Evanore entamait le roman que lui avait prêté Aldabella. Tandis que sa cousine avait hérité de La Guerre et la Paix, la jeune brune avait obtenu Orgeuils et préjugés de cet échange. Évidemment, elle l’avait déjà parcouru à maintes reprises, mais décevoir sa cadette lui aurait fait bien trop mal. Alors, elle avait accepté le livre avec un sourire et s’était bien décidée à le compléter à nouveau. Trois chapitres avaient été victimes de son appétit vorace de lecture lorsque des pas s’approchèrent. Elle ne releva pas la tête tout de suite, bien trop concentrée, mais n’eut d’autre choix lorsqu’elle reconnut la voix qui l’interpella.
Ghrystal se tenait devant elle, la tête basse, le regard inquiet. « Oui ? » Celui qui, en temps habituels, échangeait avec elle avec animation et entrain la fixait de ces yeux qu’elle n’avait jamais connu auparavant. Elle l’avait vu timide, blessé, apeuré. Mais jamais encore n’avait-elle lu en lui cette émotion indéchiffrable. « Y’a quelque chose qui me tracasse, je peux m’asseoir ? » Prise au dépourvu, elle lui répondit doucement, avant de terminer sa page : « Oui, bien sûr. » Il prit donc place à ses côtés tandis qu’elle survolait ses dernières lignes, avant de coincer son signet et de fermer le livre. « Qu’est-ce qui se passe ? » Il baissa les yeux, tandis qu’elle déposa le roman contre ses cuisses. « J’ai bien remarqué que tu es souvent toute seule. Je comprend ça car je suis pareil, je sais que ça paraît pas mais je me sens souvent seul. » Perplexe face à cette drôle d’accusation, Evanore fronça les sourcils, tandis qu’un rictus se formait sur ses lèvres. Et alors, qu’elle était seule ? Elle appréciait la solitude. Elle ne s’entourait que de ceux dont la présence en valait la peine, alors pourquoi lui reprocher un tel choix ? Toutefois, la curiosité la retint de lui demander quel était exactement son problème, et elle lui fit un signe de tête pour l’inviter à poursuivre. Alors il lui posa sa question, le visage de marbre, ses yeux bleus indéchiffrables plongés dans les siens : « Est-ce que tu as peur de finir seule ? »
10 syllabes, neuf mots, une bombe. Elle rompit ce contact que partageaient leurs regards et baissa la tête, les lèvres pincées. Ses doigts désormais agités parcouraient le chemin entre ses cuisses et son roman, cherchant le coin d’une page à tordre pour évacuer la bouffée d’émotions qui l’avait envahie. Évidemment qu’elle avait peur ; il y avait une distance énorme entre la solitude qu’elle s’imposait par désir de paix et la fatalité du rejet durant une vie toute entière. Depuis que le diagnostic était tombé, elle tremblait à l’idée que personne ne veuille de cette femme inutile, de cette femme banale, qui ne pouvait même pas offrir à son futur mari la descendance qu’il méritait. Cette femme brisée, trompée par la nature, narguée par son corps. Évidemment qu’elle avait peur. Elle la tuait, cette peur ; ce venin qui hantait ses réflexions et ses pensées, et qui se propageait à chaque mention, à chaque rappel, à chaque stimulus. Elle était dans ses veines, dans son air. Elle faisait partie d’elle, désormais, cette foutue peur qui la démangeait. Évidemment qu’elle avait peur. Mais cette peur était sienne, elle était son secret ; Ghrystal n’avait pas à savoir combien son aînée, celle chez qui il avait sollicité du réconfort, tombait sous la terreur d’un futur incertain. « Ça m’arrive d’y penser, mais je me dis que j’ai encore du temps. C’n’est pas parce que j’ai pas de copain de collège que je vais nécessairement passer ma vie toute seule. Mais j’y pense, oui. » Elle marqua une pause suite à ces paroles prononcées pour se rassurer elle-même, avant d'enchaîner, incapable de torture supplémentaire : « Où veux-tu en venir, Ghrys ? Tu passes jamais par quatre chemins, normalement. » Il jeta un coup d’oeil au loin, avant de lui répondre d’une voix basse : « J’ai peur de finir seul et que mon grand-père choisisse pour moi. » Et soudainement, tout s’éclaira. Bien entendu. C’était là un raisonnement logique, une crainte rationnelle. Elle n’avait pas souvent croisé les chemins de Oswald Prendergast, mais elle ne doutait pas une seconde qu’il saurait marier son petit-fils, malgré l’impureté du sang Blavatsky qu’il portait. Alors, elle lança : « Ah, je vois ! » avant de marquer une pause. Certes, son cousin avait de bonnes raisons de s’en faire, mais son rôle était de le rassurer. La vérité, la lourde vérité, elle pouvait attendre. « Eh bien, je pense pas que tu finiras seul. Et au final, ton grand-père, même s’il le voulait, pourrait pas faire grand chose. Les Blavatsky ont brisé la lignée, tu te souviens pas ? Ton papy pourrait pas clore de marché de valeur avec toi, sans offense. » Ghrystal secoua la tête, comme si l’argument d’Evanore ne tenait pas la route. « J’ai peur de son influence… Je me dis, j’aimerais quelqu’un qui comprenne qui je suis, qui comprenne la solitude, quelqu’un pour me supporter. Pour être franc… J’ai pensé à toi— » À ces mots, Evanore manqua de s’étouffer avec sa salive. Elle avait déglutit si fort que sa gorge lui fit mal. Ses yeux s'écarquillèrent, ses sourcils se froncèrent, ses épaules reculèrent contre le dossier. « —que nous pourrions nous marier— » Ses lèvres s’entrouvrirent, comme pour crier de surprise, mais aucun son ne franchit sa gorge. « —non pas par amour, mais pour le support, pour le travail d’équipe, la chance d’améliorer notre sort. » Elle le fixa avec déconcertation, mais cela n’empêcha pas le jeune homme d’enchaîner, comme s’il ne décelait aucune émotion chez sa cousine. « On pourrait faire un pacte. Au cas où on est seuls lorsque nous atteignons 40 ans. » Elle ressentait tout et rien à la fois. Les pensées se bousculaient dans sa tête et, pourtant, c’était le vide. Elle ne trouva rien de mieux à répondre qu’un faible « Woah. », et chercha ses mots minutieusement avant de répondre. C’était de la folie. De la pure folie. Il n’y avait aucune raison pour eux de désespérer suffisamment pour en arriver à un pacte de mariage entre cousins. C’était ridicule, juvénile et dangereux. Mais le regard désespéré de Ghrys serrait son coeur de peine et de pitié. Elle ne voulait pas le décevoir, ni le laisser dans sa misère, mais son idée était d’un tel ridicule… « Ghrys, je… on est cousins, toi et moi. On est de même famille. Et tu sais ce que mon père pense des mariages entre membres d’une même famille. C’est gros, ce que tu proposes là… » Mais il ne lâcha pas le morceau. Il s’ajusta sur le banc, comme pour réduire de quelques centimètres la distance qui les séparait, et enchaîna sans lui laisser de répit : « Notre sang est assez éloigné, mais je parle pas d’amour, Eva, je parle de nécessité. Il comprendra si tu lui dit que c’est pour se protéger de mon grand-père, pour l’insulter aussi. » Ses yeux étaient entrouverts, désormais, sous le poids d’une paupière baissée par ses sourcils froncés. Ses bras étaient croisés contre sa poitrine et elle analysait ce jeune homme qui l’observait. Autant que l’idée lui déplaisait énormément, elle ne pouvait s’empêcher de chérir l’idée de se débarrasser de cette peur qui pourrissait ses jours. Mais échanger l’inquiétude contre la culpabilité, était-ce bien mieux ? Car en acceptant ce pacte, elle imposait possiblement à Ghrystal une femme qui ne saurait jamais lui offrir ce que chaque mari de bonne famille attend de son épouse ; des fils. Peut-être un jour, par un certain miracle, relâcherait-elle un ovule, un seul ovule sain et prêt à être fécondé, mais les chances étaient minimes. Accepter sa proposition, c’était de s’assurer un futur, à elle aussi. Et, au bout du compte, dire oui ne l’engageait à rien. Elle pourrait se retirer n’importe quand. Donner son accord, c’était lui offrir le support dont il avait besoin jusqu’à ce qu’une petite amie remonte sa confiance. « Okay, d’accord. Si ça peut te rassurer, je te marierai s’il le faut avant d’avoir 40 ans. Mais je veux une bague. Pas de passe-droit parce que c’est conclut en avance, lança-t-elle à la blague, persuadée d’avoir fait le bon choix. » « Oui, oui, fit-il sans grand intérêt. Mais ‘faut sceller le pacte. » Le sourire qui avait gagné les lèvres timides d’Evanore s’effaça, laissant place à une moue neutre, dure. Il ne pouvait pas être sérieux… « Que veux-tu dire ? » « Un serment, répondit-il nonchalamment, comme s’il venait de prononcer les mots les plus banals de toute la langue anglaise. [color-Firebrick]pour protéger notre alliance coûte que coûte.[/color] » « Tu penses quand même pas… » Elle voulait soupirer bruyamment, lui faire comprendre sans paroles qu’il exagère, mais l’idée de briser son coeur chassa toute once de courage qui se trouvait en son corps. Alors elle le regarda, vaincue, tandis qu’il fabulait. « Oui. Je peux demander à Markus, il sait comment faire. Il l’a vu dans un livre de la Réserve. » Elle haussa les épaules, se demandant bien ce qu’elle pouvait ajouter de plus. Il était venu lui parler avec un objectif en tête, et elle avait bien compris qu’il ne partirait pas avant d’atteindre son but. Elle était coincée. « Okay, d’accord. Peu importe. » Et enfin, il sourit, lui assurant qu’il en parlerait à Markus lors de son cours de l’après-midi et qu’ils pourraient s'exécuter au lac, lorsque le soleil se coucherait. Et elle sourit à son tour, le regardant s’éloigner avec une assurance qu’il n’avait pas eu au début de leur discussion.
Elle baissa alors les yeux vers son roman, observa quelques instants la couverture avant de l’ouvrir et de se replonger dans sa lecture. Rassurée malgré elle, c’est avec une certaine gaieté qu’elle dévora ses pages, n’accordant plus un regard à Ghrys, qui avait rejoint ses camarades de l’équipe de Quidditch.
- Crimes et Châtiments:
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- La Guerre et la Paix:
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- Traversées:
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- Demain dès l’Aube:
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À propos du joueur... | | Prénom ou pseudo : Sha/Tatiana/Alda/Mama | ge : Maintenant 19 ans, misère. | Célébrité sur votre avatar : Felicity Jones. | De quelle manière avez-vous trouvé le forum ? Excellente question, Watson. | Avez-vous lu le topic dédié aux nouveaux joueurs (ici) ? Non lol. |
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| Sujet: Re: Evanore A. Blavatsky § History has its eyes on you Mer 2 Jan - 11:10 | |
| Biographie | - Crimes et Châtiments:
Une année. Plus qu’une année et c’était terminé. Plus qu’une année et elle pourrait enfin entamer sa formation, rejoindre le marché du travail et reprendre en main le dossier de recherche d’Isadora et Austell Prendergast. Avec un bagage d’auror et un pouvoir comme le sien, elle savait que sa contribution serait de grande aide. Il ne lui restait qu’à endurer cette dernière année. La réussite absolue des ASPICs bien en tête, Evanore tentait de se convaincre que le temps défilerait à toute vitesse si elle consacrait toute son énergie à ses études. Ainsi, c’est avec un certain optimisme qu’elle rangea ses affaires au dortoir, prévoyant tout un plan d’attaque pour ses révisions à venir. En rejoignant la Salle Commune, elle croisa Russell, qu’elle n’avait pas vu de tout le trajet en train, et lui sourit avec excitation. Mais rapidement, le regard de son ami força les lèvres d’Evanore à retourner au repos ; ses yeux, désolés, l’observaient avec profondeur, ses sourcils broussailleux fronçaient, sa bouche rose était pincée. Il se tourna vers le groupe qui l’accompagnait tandis qu’Evanore s’approchait, inquiète, et bientôt ils se retrouvèrent seuls au milieu de la grande pièce circulaire. « Eh bah, Russell ? C’est quoi cette tête d’enterrement ? Si quelqu’un est mort, il fallait le dire dans tes lettres de cet été ! » Elle posa ses poings contre ses hanches, prête à se fâcher s’il lui annonçait avoir retenu une mauvaise nouvelle. Elle savait que sa grand-mère n’était pas au sommet de sa forme, et que le couple de sa soeur était chancelant, alors elle imaginait déjà une infinité de scénarios lorsqu’il lui dit d’un ton posé et grave : « Assieds-toi, Eva, s’il-te-plaît. » Elle fronça les sourcils à son tour et s’exécuta. Il la rejoignit sur le canapé et posa son bras sur le dossier, la tête baissée. Sa chevelure rousse et indomptable cachait ses yeux d’émeraude, mais Evanore n’eut aucunement besoin de les voir pour comprendre qu’ils cachaient une affliction profonde. « Russell, qu’est-ce qu’il y a ? Tu m’inquiètes. » Et vraiment, elle l’était. Au creux de son estomac, sa boule d’anxiété reprenait place et lui donnait la nausée. Il fallait qu’il crache le morceau, autrement ce serait elle qui relâcherait son petit-déjeuner. « Est-ce que c’est vrai, que t’as fait un pacte avec Prendergast ? » Elle allait vomir. Elle le sentait. La bouffée de chaleur qui avait traversé tout son corps ne pouvait pas mentir ; mais elle, si. « Un pacte ? Pourquoi j’aurais fait un pacte ? Quel genre de pacte ? » Mais Russell n’était pas dupe. Elle n’avait jamais été douée pour dissimuler la vérité, et encore moins à son ami de longue date. « Evanore, je rigole pas. Tu l’as fait, ou pas ? » Elle soupira bruyamment et rejeta son dos contre le dossier, frottant son front du bout de quatre de ses doigts. Pourquoi en avait-il parlé ? Ce pacte, c’était leur secret. Le résultat d’une peur profonde et commune qu’ils partageaient, qu’ils souhaitaient noyer. Pourquoi, pourquoi, Ghrystal l’avait-il mentionné ? Et pourquoi à Russell ? « Tu aurais dû voir sa tête, fit-elle doucement, le souvenir de l’événement fraîchement en mémoire. Il avait cette peur, cette honte qui le rendait de marbre. C’était à crever le coeur. J’ai pas pu dire— » « Le Serment Inviolable, c’est vrai aussi ? » Il n’y avait pas de jugement dans sa question ; plutôt de la colère, de la colère contrôlée mais qui, pourtant, était trahie par le léger tremblement de sa voix. « J’avais dit oui avant qu’il mentionne cette … condition. J’étais coincée, je l’ai fait. » C’est Russell qui soupira, cette fois, mais différemment. Chez lui, c’était par découragement, par peine et impuissance. Il saisit son front entre ses mains et enfonça ses coudes dans ses cuisses. « Russell, qu’est-ce que c’est ? » demanda une Evanore de plus en plus paniquée. Un long silence s’installa, silence qu’Evanore respecta avec beaucoup de difficulté. Mais elle savait que son ami ne lui infligeait pas l’attente par caprice, mais qu’il devait probablement chercher ses mots. Il se redressa enfin, après près de deux minutes, et s’approcha de la brune. Il agrippa sa main et plongea ses yeux dans ceux de sa camarade, qui étaient grands ouverts sous l’inquiétude. « Peu avant la rentrée, Markus Davis —tu sais, le capitaine des Gryffondor— organisait une soirée. Il a invité tous les joueurs des quatre maisons, incluant des anciens et les joueurs de soutien. » « Ghrys est allé à cette soirée, oui. Il m’en a parlé vaguement. » Russell se gratta le crâne de sa main libre avant de poursuivre. « Eh bien, l’alcool a coulé et les gens se sont mis à parler… et le pacte a été mentionné. » Evanore baissa les yeux et ses épaules se relâchèrent sous la déception. Ainsi, tous les joueurs de Quidditch de ce foutu collège étaient au courant ? Autant assumer que d’ici octobre, l’école en entier saurait. « C’est pas tout, Eva. » Eva releva les yeux et se mordit la lèvre, la boule prenant possession de son corps tout entier. Au creux de l’imposante paume de Russell, sa main tremblait vivement. Il serra plus fort, inspira profondément et lâcha la bombe d’une voix aussi douce que possible. « C’était un pari, Eva. Il a perdu un pari, et tu étais son gage. » On aurait pu lui transpercer le coeur à coup de lances, elle n’aurait rien senti. On aurait pu lui lâcher un piano sur la tête, elle n’aurait rien senti. On aurait pu lui tirer des milliers de balles en évitant ses organes vitaux, la laisser mourir en se vidant de son sang, elle n’aurait rien senti. On aurait pu la pousser en bas d’un pont, lui rouler dessus à coup de camions de transportation, lui déverser le carburant de centaines de voitures dessus et la foutre en feu, elle n’aurait rien senti. Car la douleur qui frappait son corps et son âme à cet instant était si atroce que la plus terrible noyade, la plus longue asphyxie, la plus douloureuse lapidation lui semblaient agréables. On lui forçait à la bouche un cocktail de trahison, de cruauté et de désillusion qu’elle ne voulait pas avaler. Quelles raisons inhumaines avait-il donc eu en tête pour commettre une telle humiliation envers celle qui lui avait toujours tendu la main ? Qu’avait-elle commis d’assez atroce pour que la vie la punisse ainsi ? Où avait-elle failli, où avait-elle été aveugle ? À quel moment son cousin s’était-il retourné contre elle ? Tant de questions se bousculaient, se poussaient et martelaient sa tête. Elles voulaient toutes être répondues, toutes être prononcées, et elles s’agitaient en un tourbillon cacophonique dans le crâne de leur hôte, jusqu’à lui en arracher un gémissement. La nausée, la migraine, la fatigue envahissaient son corps, et elle se mit sur pieds en titubant. « Eva ? » entendit-elle d’une voix lointaine, qui se répétait en écho dans ses oreilles. Elle gémit à nouveau, mais cette fois d’un son rauque, d’un son grave, qui sonnait plutôt comme un grognement qui, bientôt, se transforma en cri, en hurlement. Elle ne savait plus qui écouter. La douleur ? La rage ? Le déconcertement ? La raison ? Elle ne maîtrisait plus son corps, elle ne maîtrisait plus son esprit. Ses émotions avaient pris le contrôle de tout son être et agissaient à tour de rôle, sans se consulter. Le désespoir cracha avec dégoût une série de larmes violentes, avec au passage quelques sanglots incontrôlables ; la furie agrippa chaque vase qui croisait son chemin et les propulsait au bout de ses bras, non sans râles, non sans cris ; le désespoir se laissa tomber au sol lourdement en hoquetant, au milieu des éclats de poteries et de verreries, les joues inondées de perles salées. Et témoin de cette tempête, Russell attendait que la tornade s'apaise, sans ne jamais chercher à la calmer, et ne se pencha auprès d’elle que lorsqu’il fut assuré que les vents étaient tombés. Il s’approcha à genoux de cet être en détresse, cet être qu’il savait pourtant si fort mais qui, à cet instant, lui offrait une vision d’horreur ; ses violents tremblements la secouaient tant que ses dents en claqueraient, si sa bouche n’était pas constamment ouverte, à la recherche d’oxygène entre les hoquets et les sanglots. Il aurait voulu lui dire tant de choses, trouver les mots justes pour la réconforter, mais il savait que rien au monde ne pourrait apaiser la blessure qui la torturait. Il ne fit que la serrer contre lui, impuissant, et caressa ses cheveux tandis qu’elle inondait son uniforme et qu’elle s'agrippait à ses manches. Il restèrent ainsi plusieurs minutes durant, jusqu’à ce que Russell ne lui murmure que les autres reviendraient bientôt du banquet de la rentrée. Elle calma donc ses pleurs et se laissa guider jusqu’au canapé, les yeux si gonflés qu’ils en obstruaient sa vue, tandis que son gardien attrapait sa baguette et rafistolait, un à un, les vases brisés par la douleur. Lorsqu’il prit place aux côtés d’Evanore, elle ne pleurait plus. Elle fixait le feu qui brûlait dans la cheminée, le regard vide, le regard mort. Si elle n’avait pas eu les paupières si volumineuses et les yeux si rouges, il aurait été impossible d’imaginer la scène qui avait eut lieu une quinzaine de minutes auparavant. Et c’est ainsi qu’ils passèrent la nuit, devant les flammes qui mourraient au rythme des heures qui avançaient. Russell succomba au sommeil lorsque les deux heures sonnèrent, mais Evanore, elle, réfléchit jusqu’au lever du jour. Elle le confronterait, il le fallait. Le choc tomberait, ses esprits lui reviendraient, le contrôle serait sien. Et à son tour, elle lui imposerait ce sentiment de moins que rien, ce sentiment de n’être qu’une merde séchée sous sa vieille botte. Elle lui offrirait cette humiliation qu’il lui avait imposée et, tout comme il l’avait fait, se moquerait bien de sa gueule avec ses copains. Les tables tourneraient. Elle devait choisir ses mots, se préparer aux siens, et foncer. * * * Deuxième semaine de cours. Jeudi. Elle avait une période de libre et savait parfaitement que Ghrystal se trouvait en cours de Défense Contre les Forces du Mal. Mais lui, lui ignorait son horaire. Il ne se douterait pas une seconde qu’elle avait passé plus d’une demi-heure devant la porte close de la classe, à répéter et répéter le scénario qu’elle avait construit. Enfin, elle entendit un brouhaha nouveau à l’intérieur du local et se posta tout près de la porte d’un air nonchalant, prête à accueillir son cousin. Sans grande surprise, il fut l’un des derniers à sortir, accompagné d’un groupe d’amis différent de sa bande de Quidditch. Popularité surprenante qu’il avait là, le Prendergast ; à croire que la stupidité était intéressante. « Hey Ghrys ! » Il détourna le regard de ses laquets et les salua, avant de rejoindre Evanore en l'accueillant d’un sourire quelconque. « Alors, les cours, cette année, ça a l’air terrible ? demanda-t-elle d’une voix qu’elle tentait sincère, bien qu’elle espérait bien qu’il se plante lamentablement et qu’il observe son avenir flamber sous ses yeux. » Il avait un air tranquille, un air nonchalant ; l’air de quelqu’un qui arrivait à dormir la nuit sans aucun remord. « Non, ça va, comme d’habitude, si c’est pas facile pour moi, ce l’est pour Markus. » Et elle lâcha un rire franc, se rappelant combien elle lui avait été utile lors des leçons compliquées, et combien il devrait se sortir de sa merde tout seul pour les deux années à venir. « Ah, tant mieux. Moi, c’était d’un ennui mortel. Heureusement que Russell est là pour faire passer le temps ! Il m’a raconté un truc trop drôle tout à l’heure, j’te le dis ? » Le garçon regarda nerveusement autour de lui, comme à la recherche de quelque chose, et répondit incertain : « Euh, oui, mais en marchant, je dois aller au stade pour l’entraînement. » Ça aussi, elle le savait. Évidemment qu’elle le savait. « Pas de soucis ! Alors, ça commence comme ça :— » Elle s’interrompit le temps de descendre les escaliers, obligée de se poster derrière Ghrystal pour permettre aux autres de passer. Ils passèrent l’imposante porte du château lorsqu’elle put enfin entamer son récit. « Donc, c’est un gars et une fille. » Au loin, l’équipe des Gryffondor faisait de grands signes au joueur qui s’apprêtait à les rejoindre, et Ghrystal les saluait à son tour d’une main. Derrière lui, Evanore faisait de même, un grand sourire aux lèvres, une énorme boule à l’estomac. « Ils s’entendent bien, le gars et la fille, tu vois ? Alors le gars, un jour, va voir la fille et lui dit : “ Y a un truc qui me tracasse. ” Du coup, la fille, elle lui demande ce qu’il y a. » Aucune réaction. « Et le mec lui sort : “ J’ai peur de finir tout seul. ” » Cette fois, il s’anima. Ses lèvres étaient scellées, mais il accéléra le pas, pressé de rejoindre ce groupe d’imbéciles qui saurait le défendre lorsque son petit cul de lâche flancherait. Mais Evanore, déterminée, le suivait de si près qu’ils auraient pu partager leurs chaussures. Dans leur élan, ils dépassèrent la jeune Cirice, qui suivit le duo des yeux, intriguée de ce ton de voix qu’elle ne reconnaissait pas chez son aînée. « Alors, pour le rassurer, la fille fait ce qu’il lui demande, même si c’est complètement absurde. Parce que c’est important pour elle, tu vois ? » Ghrystal serra les lèvres, baissa légèrement la tête, mais conserva sa vitesse. Peu athlétique, Evanore commençait à manquer de souffle, mais la faible distance les séparant du groupe d’idiots la poussa à garder la cadence. « Eh bah ? Tu dis rien ? Après, c’est bien normal ; j’ai pas encore dit la chute ! Ce qui est hilarant dans cette histoire, c’est que le gars, au final, il se foutait bien de sa gueule ! Tout ça, c’est parce qu’il a perdu un pari ! Ha ha ha ! C’est drôle, non ? » Sur son visage, un faux bonheur était estampé ; un sourire atroce, des yeux écarquillés, un regard épeurant. Ghrystal se trouvait désormais coincé entre Evanore et la bande de mauvaises influences. « Eh bah alors ? Tu rigoles pas ? » Derrière eux, le groupe s'esclaffait. Ils se délectaient de la scène, commentant chaque parole mesquinement, rigolant à chaque réplique. Elle entendit l’un deux prononcer quelque chose du genre que la vraie blague, c’était la cruche qui s’était faite prendre à ce jeu, mais elle ignora la remarque. Son attention était dédiée à Ghrystal, et Ghrystal uniquement —et peut-être aussi à ses jambes qui menaçaient de flancher à tout moment sous les convulsions—. Lui, il ne riait pas. Il ne disait rien, n’osait pas un son. Son regard se perdait entre ses amis et sa cousine et, finalement, c’est vers ses pieds qu’il le dirigea. Ses paupières tremblaient, ses lèvres tremblaient, son âme tremblait, malgré le contrôle qu’il tentait d'exercer sur son corps. « Aies au moins le culot de me regarder dans les yeux. » Il n’en fit rien. Evanore ricana devant tant de lâcheté. « Parfait, comme tu veux. Alors réponds au moins à ma question : quel sort pire que cette humiliation t’attendait, si t’avais refusé, hein ? » Brièvement, il releva les yeux et lui lâcha, en mâchant ses mots : « C’est pas ma faute si tu t’es faite avoir. » Ce fut comme un coup de poing en plein abdomen, et son regard consterné avait probablement trahi sa douleur. Mais, rapidement, elle s’efforça de retrouver son air hautain et, sous la nervosité, ricana à nouveau en lâchant, les yeux au ciel : « C’est pas vrai. » Elle devait se relever de ce choc, et vite ; il lui fallait réfléchir à toute allure, gagner du temps, et c’est sous la panique qu’elle agrippa le col de Ghrystal et qu’elle l’attira près de son visage. Elle voulait lui faire mal, aussi mal que possible, et il n’y avait pas quatre milles options pour y arriver. Se maudissant intérieurement des paroles qu’elle s’apprêtait à cracher, elle eut presque envie de faire demi-tour et de tout abandonner. Mais elle ne pouvait pas. Il ne fallait pas. Pas devant eux, pas devant Cirice. « Tu as une sacrée chance que tes parents soient pas là pour voir quel lâche et enculé tu es devenu. La vie est bien faite, tu trouves pas ? » Derrière eux, le groupe jubilait. Ghrystal ne disait toujours rien, mais elle pouvait lire la blessure dans ses yeux. Un instant, elle se haït d’être la source de tant de douleur, mais la colère reprit rapidement l’espace de ses pensées. Le garçon, d’une main étonnement douce, saisit la poigne d’Evanore et la serra fortement, comme pour la déloger. Elle savait que son temps était compté, qu’elle ne tiendrait pas bien longtemps. Un joueur chuchota quelque chose à son ami, et cette interlocution inspira la jeune femme à en faire de même. Sa grande finale serait intime, privée, sur mesure. Le regard dur, les lèvres tordues de dédain, elle approcha son visage une dernière fois, prête à cracher son venin. « Un conseil, Ghrystal Prendergast : commences tout de suite à chercher une femme qui acceptera de porter le fardeau qu’est ton nom, parce que je préfère mourir mille fois plutôt que de m'enchaîner à toi pour le reste de ma vie. » Elle relâcha sa prise mais ne brisa pas le contact visuel qu’elle avait établi et conclut : « Et j’aurais aucun remords à te traîner avec moi. » De ses jambes molles, elle fit quelques pas arrière, jeta un coup d’oeil à la bande et ajouta, avant de tourner le dos : « Et essaies d’apprécier ton grand-père un peu plus. Les étés seront longs, sinon. » Et enfin, elle s’éloigna, tandis que Markus encourageait Ghrystal à répliquer, à ne pas se laisser marcher sur les pieds comme ça. Mais les mots devinrent vite brouillard et sa vue se parsema de taches noires. Elle ne ralentissait pas le pas, mais chercha désespérément un angle mort où se laisser choir, voir où perdre conscience. C’était la voix lointaine de Cirice et sa main froide contre son bras qui la ramenèrent doucement sur Terre, tandis que sa cadette la bombardait de questions en rafales. Mais Evanore n’écoutait pas. Derrière elle, des années et des années de vie, de plans et de rêves s’éteignaient, comme ça, pour toujours, sur un vulgaire terrain de Quidditch.
- La Guerre et la Paix:
« Et du coup, tu la fais quand, ta formation ? T’abandonnes ? » Evanore roula des yeux sous la demande, tandis qu’il faisait claquer son briquet, une cigarette pendue aux lèvres. Il devait lui avoir posé la même question une vingtaine de fois et, toujours, elle lui offrait la même réponse monotone. « Je t’ai déjà dit, Alan. Je prend qu’une année de pause, c’est tout. À l’automne, j’irai. Ils ont accepté de m’attendre. » Il leva les yeux vers elle, presque intéressé, et expira un nuage de fumée qui chatouilla les narines de sa compagne. « Tu m’as jamais dit pourquoi tu es pas allée tout de suite après ta graduation. » Evanore se retourna vivement, agacée, en nouant sa natte. « Probablement parce que ça ne te regarde pas et que j’ai pas envie de t’en parler ? » Il haussa les épaules, peu impressionné. Chaque fois qu’il mentionnait le sujet, Evanore semblait piquée d’une mouche qu’il n’avait jamais connu auparavant. Elle devenait à pic, irritable. Comme s’il y avait au fond plus qu’une simple formation repoussée. « J’sais pas moi, si j’avais des pouvoirs, j’en profiterais. Genre, j’sais pas, j’changerais l’monde comme je peux. J’trouve que tu gaspilles ton don, quoi. » Elle se mit sur pied en riant jaune, attrapant ses pantalons au pied du lit. « Dis, je croyais que l’avantage de ça, c’était d’avoir la partie chouette d’une vie à deux, sans les responsabilités et la communication obligatoires qui viennent avec ? » Il releva les bras, résigné, et ricana comme il le pouvait sans en échapper sa clope, qu’il dû mordre légèrement pour éviter la catastrophe. Il appréciait Evanore. Quelque part, il souhaitait l’aider, même. Mais elle, elle était fermée. Un vrai coffre verrouillé, qui cachait en son centre, il en était certain, un véritable trésor. Et tandis qu’elle se rhabillait, il observait les mouvements de ses bras frêles, de son dos courbé caressé de sa tresse, de ses cuisses qui disparaissaient sous le tissu. Ses os étaient plus saillants qu’auparavant, sa colonne vertébrale ne se cachait plus sous sa peau. Certes, ces derniers mois représentaient les premières fois en plus de dix-sept ans qu’il la voyait sans vêtements, mais même entièrement couverte, il pouvait deviner les kilos qu’elle avait perdus. « Fais attention à toi, c’est tout, fit-il finalement, vaincu. » Elle répondit d’un simple Mh-hm en enfilant son pull, et elle explora la chambre à la recherche de ses chaussettes. Rapidement, Alan se pencha sous le lit et agrippa les deux fuyards, qu’il tendit à la jeune femme. Elle lui offrit un léger sourire en coin, vola un baiser sur ses lèvres et lui piqua une clope pour la route. L’odeur de la fumée l’avait aguichée. Une main dans la poche de son manteau, l’autre occupée à gérer sa cigarette, elle regagna d’un pas lasse le chemin qui la menait jusqu’à chez elle. Décembre lui laissait cette année un goût amer à la bouche ; ce serait le premier Noël depuis des années sans Ghrystal à la maison. Après avoir raconté l’incident à ses parents, ils avaient tous deux convenus que plus jamais ils n’autoriseraient un Prendergast à mettre les pieds chez eux. Jamais. Sa mère avait d’abord trouvé la sanction un peu sévère, surtout envers la pauvre Aldabella qui n’y avait rien à voir, mais son mari avait su la convaincre. Peut-être auraient-ils trouvé un peu de clémence dans leur colère s’il avait eu la décence d’offrir des excuses. Mais il n’en avait été rien. Absolument rien. Et depuis l’incident, Evanore n’était plus la même. Elle ne mangeait plus comme avant, ne rêvait plus comme avant, ne vivait plus comme avant. La formation d’apprenti auror —à laquelle elle avait été acceptée à bras ouverts— avait dû avaler le refus d’une des étudiantes qu’ils attendaient avec le plus d’impatience. Elle leur avait assuré qu’elle ne prenait qu’un an de repos, un an pour se remettre sur pieds, et qu’elle serait fidèle au poste dès l’automne. Mais d’ici là, elle laissait sa baguette dans le creux d’un tiroir de son bureau de travail et n’y touchait pas. Depuis juin qu’elle n’avait pas utilisé la magie. Pas une seule fois. Elle faisait sa vaisselle à la main, réparait elle-même ses dégâts, utilisait la clef de secours si son trousseau était resté sur sa commode. Mais jamais elle ne mettait sa main sur sa baguette ; car si elle connaissait bien ses prouesses en matières de magie, c’était sa valeur en tant que femme qui avait été ébranlée. Toute sa personne, de son corps à son âme, avait été perturbée par le cocktail de trahison et de maladie. On lui avait imposé humiliation et fatalité. Douleur et insécurité. Dans le confort de son île, elle souhaitait guérir ; guérir de ce mal que lui imposait la nature quant à ses capacités reproductrices, guérir de la blessure qu’avait créée Ghrystal avec sa bêtise et son orgueil. Et pour pansements, elle avait Alan, Colum et Maël. Oh, elle ne s’en plaignait pas ; outre le premier, ils n’étaient pas très bavards, pas bien lourds. Ils l'accueillaient lorsqu’elle arrivait, lui offraient poliment un thé qu’elle refusait chaque fois, faisaient tomber au sol les vêtements qu’elle portait, enchaînaient les compliments et les soupirs, lui souhaitaient bonne journée et bon retour lorsqu’ils terminaient. Elle ne rentrait pas tous les soirs, mais ne laissait jamais ses parents dans l’inquiétude ; même brisée, elle avait toute sa tête. Sa cigarette agonisait à présent, mais l’odeur de la fumée lui semblait de plus en plus forte. Comme si elle se consumait avec plus d’ardeur au fil de ses pas. Elle n’y porta que peu d’attention mais, lorsque le vent froid de décembre se transforma en vague de chaleur sèche, Evanore comprit que quelque chose clochait. Alors elle accéléra le pas, victime à nouveau de cette boule qui avait pris possession de son estomac des mois et des mois auparavant. Elle volait, presque, tant ses pieds ne touchaient plus le sol. Elle courait, encore, toujours, sans fin, sur ce sentier qui lui semblait infini. Le décor ne défilait pas, ses pas n’avançaient plus. Ce n’est que lorsque les flammes se dressèrent devant elle qu’elle cessa sa course effrénée. Brûlantes, atroces, monstrueuses, elles gobaient sa maison goulument, sans pitié, une pièce à la fois. Le rez-de-chaussé n’avait pas encore été touché ; il n’y avait que l’étage, de gauche à droite, qui menaçait de s’effondrer. Les planches de bois octogénaires ne surviraient pas longtemps au baiser du feu qui les séduisait et, bientôt, elles succombèrent et craquèrent en un son fort, sec, étouffé. À la vision de la scène, Evanore poussa un hurlement. Un seul. L’unique dont ses forces étaient capables, avant de tomber à genoux, vidée. Son cri de détresse avait fait relever la tête d’un voisin qui sortait ses ordures, des mètres et des mètres plus loin, et il accourut à la vision de la fumée, alertant au passage les autres occupants du chemin. Mais la jeune femme, elle, ne bougeait plus. Elle regardait danser le feu, les yeux rivés sur sa chambre ; plus fortes, plus grandes, les flammes qui jaillissaient de cette pièce tentaient de faire comprendre à leurs spectateurs que c’était là que tout avait commencé. Qu’elles étaient les maîtres de cérémonie, celles qui avaient ondulé les premières, là, dans ce bureau de chêne. * * * Ils l’avaient gardée deux semaines à Sainte-Mangouste avant de lui donner son congé. Il n’y avait pas grand chose à faire pour elle. Que ce soit dans un lit chez sa grand-mère ou dans celui d’un hôpital, peu de différence était notable ; elle fixait le vide constamment, toujours. Sa bouche refusait toute nourriture, ses yeux combattaient tout sommeil. Elle hochait à peine la tête, ne se levait qu’une fois par jour pour rejoindre la salle de bain ; chaque fois à minuit, où elle en profitait pour boire quelques gorgées d’eau, utilisant ses mains comme récipient, et le robinet comme puits. Et à nouveau, elle gagnait le lit, les paupières ouvertes, le regard mort. Toujours la même routine. Elle ne dormait que quelques heures par jour, à des moments bien précis, soit lorsqu’elle savait ses parents sortis, endormis ou occupés. Elle ignorait toute visite, refusait tout dialogue. Elle n’offrait à ses interlocuteurs que du silence ; même à son père, même à Alan, même à Russell. Alors, lorsqu’elle entendit la porte grincer pour une énième fois, elle ne tourna pas les yeux pour constater qui entrait. Chacuns leur tour, ils entraient en utilisant l’approche de Noël comme ultime argument pour la sortir du lit, et elle craignait cette fois-ci qu’ils aient traîné une tarte jusqu’à la chambre. Mais ce n’était ni son père, ni sa mère, ni sa grand-mère, Alan ou Russell qui l’interpella, de l’embrasure de la porte. « Alda m’a dit. » Décrire la sensation qui l’avait parcourue à cet instant lui semblait impossible. C’était un drôle de mélange de cette boule d’anxiété qui crispait son intérieur et d’un soulagement intense qui la détendit instantanément ; malgré les mots tranchants qu’elle avait jadis prononcés, cette voix, étrangère et familière, l’apaisa tout de suite. Il lui fallut plusieurs secondes avant qu’il ne se décide à entrer, à tirer une chaise près du lit et à s’y asseoir. Bien qu’elle ne le regardait pas, elle ne sentait pas ses yeux rivés sur elle. Tous deux fixaient droit devant eux, chacun dans leur direction respective. « C’est ma faute. Je t’ai fait du mal, je… Il prit une pause, étranglé par ses propres mots. Il déposa une main douce sur la cuisse de sa cousine, à la recherche d’une main à serrer. Je suis désolé. » Ses épaules tendues se relâchèrent lentement, tandis que le reste de son corps restait immobile. La visite de Ghrystal l’avait secouée et ses excuses, réveillée. Mais elle n’avait pas prononcé un seul mot en plusieurs semaines et, tandis qu’elle cherchait à propulser un son de sa gorge, elle se demanda si elle n’avait pas perdu tout usage de la parole. « Pourquoi ? réussit-elle enfin à articuler avec difficulté, la gorge si nouée qu’elle lui en coupait le souffle. » Il ne répondit pas. Pour un long moment, il ne répondit rien. Il tenta un faible « Je... » mais s’arrêta à nouveau. L’anticipation la tuait, la boule la torturait. Elle avait oublié comment cette sensation était désagréable, envahissante, et regretta presque d'avoir recommencé à ressentir. « Je sais pas, Eva. Je sais pas pourquoi. » Elle hocha lentement la tête, absorbant lentement la réponse qu’il lui avait donnée. « Ça en valait la peine ? fit-elle d’une voix faible, qu’elle tentait vainement de maîtriser. » Il ne dit rien, encore. Accablée de ce manque de réponse, elle tenta un regard vers lui, qui secouait lentement sa tête de gauche à droite, et figea lorsque ses yeux rencontrèrent les détails de son visage. Il perdait peu à peu la rondeur d’un visage juvénile, gagnait en traits durs, en traits d’homme, mais avait toujours ces mêmes lèvres qui lui souriaient autrefois, ce même regard en lequel elle avait parfois trouvé refuge. Le silence de plomb qui régnait sur la pièce n’avait rien de sécurisant, contrairement à celui qu’imposait Evanore depuis maintenant des semaines. Il était étouffant, lourd, menaçant. Le genre de silence qui vous laisse seul avec vos pensées, qui vous trahit si vous vous égarez un peu trop dans vos sentiments. Ce silence qui ne demande qu’à être brisé par la respiration haletante d’une jeune femme qui retient ses larmes, par un lit qui grince sous la secousse d’épaules victimes de sanglots. Ce silence qui disparaît sous les pleurs et les hoquets, celui qui passe la porte lorsque les tabous sont brisés. « Je pouvais… je pouvais pas faire la formation, articula-t-elle avec difficulté entre deux hoquets. Après tout ça, je… Ça m’a trop brisée. Tu m’as brisée, Ghrystal. Comment… » Elle battit des paupières pour chasser les perles d’eau qui s’étaient coincées entre ses cils et prit une grande inspiration, tandis qu’elles roulaient sur ses joues. Ses yeux vitreux fixaient courageusement ceux de Ghrystal et, pour la première fois depuis des années, elle crut y apercevoir l’enfant qu’elle avait toujours connu. « Comment j’étais supposée aller me battre contre des criminels si… si je tombais dans le panneau d’un piège monté par… mon propre cousin ? » Nouveau sanglots, mais aucune pause. Elle enchaînait les mots sans arrêt, rattrapant en quelques minutes les semaines de paroles sacrifiées, devant un Ghrystal qui, lui, ne disait rien. Un Ghrystal qui encaissait, confronté aux conséquences de ses gestes. « Tu réalises que ma baguette a foutu le feu à ma maison parce qu’elle se faisait chier !? Elle dormait là, à attendre, pendant que je faisais quoi, moi ? Ah ! » Elle lâcha un ricanement, qui se mêla étrangement aux pleurs qui grattaient encore sa gorge. « Moi, je couchais un peu partout comme une catin, tiens ! La belle blague ! Mon père me parle plus ! Il dit que c’est pas d’ma faute, mais je le vois dans ses yeux quand il me r’garde. Je sais qu’il me tient responsable d’avoir brûlé la maison de son grand-père. Je le sais ! » Elle baissa les yeux, étouffée par ces mots qu’elle se forçait à prononcer. « Je sais qu’il me hait. » Sa bouche s’ouvrit à nouveau, comme pour laisser passer de nouvelles paroles, mais elles restèrent coincées dans sa trachée, bloquée par le désarroi et l’impuissance. Alors elle baissa la tête et laissa les sanglots prendre l’emprise de son corps, le temps qu’il faudrait. Plusieurs minutes s’écoulèrent ainsi, sans que l’un ne dise un mot. Qu’y avait-il donc à ajouter ? Le mal était fait. Ils pourraient reconstruire une maison sur le terrain, mais les souvenirs, le patrimoine, l’essentiel n’était plus. Il n’y avait plus de retour en arrière. Impossible d’empêcher le feu, impossible d’empêcher le serment. Il ne restait qu’à vivre, aussi difficile cela semblait-il. Elle écrirait à Cirice, écrirait à Russell, écrirait à Aldabella. Elle leur expliquerait, elle s’excuserait des mois d’absence. Et pour Ghrystal… que pouvait-elle faire d’autre que de pardonner ? « Je te laisserais pas vraiment mourir, murmura-t-elle après avoir longuement inspiré. » D’un geste maladroit, elle sortit sa main de sous la couverture et serra celle de Ghrystal, qui l’attendait depuis le début de leurs retrouvailles. « Moi non plus, si je ne t’ai pas déjà tuée. » Elle secoua lentement la tête, les yeux clos, refusant d’accepter cette vérité dont ils étaient tous les deux conscients. Peut-être effectivement, les vases étaient cassés pour toujours. Peut-être que leur relation avait en effet atteint un point de fatalité, un point de non retour, où le pardon ne laisserait jamais place à l’oubli. Peut-être que, lorsque Ghrystal passerait le pan de la porte, il disparaîtrait à nouveau, la laissant seule et misérable sur le lit grinçant du grenier de sa grand-mère. Oui, peut-être que rien ne changerait. Mais la façon dont il la regardait, la façon dont il serait sa main d’une poigne à la fois forte et douce, la façon dont il semblait désemparé devant elle, ignorant si les mots seraient suffisants pour mériter un regard, indiquaient toutes que, éventuellement, ils surmonteraient cet obstacle. Il leur faudrait du temps, du courage, des efforts. Mais ils n’étaient pas impossible. Plus maintenant.
- Traversées:
« Et donc, tu les termines quand, tes études ? » Evanore répondit par un râle, enfonçant son dos contre le dossier de sa chaise et relâchant sa tête vers l’arrière. Les années n’avaient décidément pas amélioré la mémoire d’Alan, qui semblait incapable de garder en tête une seule information. « Mais quoi ? demanda-t-il avec un rire nerveux. » « Je te l’ai dit ! Je pars en Russie tout de suite après les vacances de Noël pour finaliser mon projet, et c’est fini ! » « Celui sur ton ancêtre, là ? Helena ? » Evanore caressa la bordure de sa tasse du bout de son annulaire et inclina la tête vers la gauche, les yeux rivés vers l’extérieur. Hors du café, les quelques habitants du village se saluaient sur le marché de Noël, profitant des talents artisanaux de leurs voisins. C’était une chouette île, Man, mais sa place n’y était plus. Dès qu’elle traversait une rue ou qu’elle entrait dans un commerce, elle sentait les regards rivés sur elle ; des yeux emplis de jugements, de pitié, d’incompréhension. Le simple fait d’exister était devenu un fardeau quotidien, alors elle s’était décidée à partir. Ayant fermé à clef la possibilité de rejoindre la formation aux aurors, maintenant consciente d’avoir l’esprit trop fragile pour les dangers que représentaient le métier, elle s’était tournée vers sa seule autre alternative : l’histoire. À Poudlard, elle avait toujours été intéressée par ses cours de runes et d’histoire de la magie, et les quelques travaux d’Helena Blavatsky qui trainaient dans la bibliothèque avaient longtemps attiré son attention. Elle avait choisi son université un peu au hasard, mais le Royal Holloway l’avait accueillie à bras ouverts, encourageant fortement l’inscription des étudiants sorciers. À quelques mois seulement de sa graduation, elle s’était donc permis un petit retour aux sources, saluant au passage de vieilles connaissances, de la famille éloignée, et son baume favori. « Il faut être stupide pour encore croire aujourd’hui que Helena Blavatsky est notre ancêtre. Je veux dire, elle était tellement ouverte quant à sa frigidité, je pense pas que ce soit elle qui ment. Mais oui, je fais mon travail sur elle. “Le parallèle entre ses recherches sur l’occulte et la magie de son temps.” J’ai presque terminé, y a seulement quelques ouvrages que je voulais consulter à la State Library. Je crois… je crois que je tiens un truc bien. » Il l’observa longuement, tandis qu’elle avait ses yeux rivés ailleurs, et serra sa tasse entre ses paumes rudes. Elle était fascinante, cette Evanore. Toujours aussi secrète, toujours aussi explicite. Elle avançait à travers la vie à tâtons, trébuchant sur les obstacles laissés par les autres. Parfois, elle se relevait, trop fière pour s’avouer vaincue. Parfois, elle restait au sol, abattue, à attendre qu’un vent souffle suffisamment de sable pour l’enterrer. Et, parfois, c’était les deux à la fois. Ce projet d’histoire était un parfait exemple ; elle se décidait enfin à se bouger après plus de deux ans d’inactivité, mais elle avait abandonné son rêve initial. Au moins, se disait-il, elle ne gaspillait pas tous les talents dont la vie l’avait bénie.
« Et ensuite ? Des projets ? » Pensive, Evanore garda sa tête rivée vers la fenêtre, mais ses pupilles dérivèrent lentement vers Alan, et elle soupira bruyamment. Elle l’observa quelques instants, la bouche tordue par une moue perplexe, et se pencha pour atteindre son sac. Elle le fouilla quelques instants, une main posée contre la table pour éviter de chavirer de sa chaise avant de se redresser, une lettre à la main. Elle la tendit à Alan, qui la fixa quelques instants, et elle soupira à nouveau en agitant l’enveloppe pour l’inciter à la prendre. Il releva le sourcil, mais saisit la missive qu’elle lui tendait et ouvrit l’enveloppe artisanale, qui avait déjà été déchiquetée auparavant. Il balaya les écritures des yeux, semblant toujours confus quant à la pertinence de l’invitation qu’il tenait.
« Mon meilleur ami va se marier, fit-elle en reprenant le papier. Tu te rends compte ? Mariage. Il a des plans, il fait quelque chose de sa vie. Il s’est trouvé une raison d’être, et c’est sa fiancée. Un jour, ce sera leurs enfants. » Alan appuya son coude contre la table et enfouit son menton dans le creux de sa paume, intrigué. « Moi aussi, je veux avoir une raison d’être. Peut-être que je l’avais trouvée et qu’elle m’a glissée entre les doigts, je sais pas. Mais je crois avoir trouvé autre chose, au moins le temps de vraiment me poser. Une fois que j’ai mon diplôme en poche, je vais partir. Un an. » « Partir ? Où ? » Evanore haussa les épaules avant de répondre. « Je sais pas. Enfin, je vais commencer par La Crique, en Irlande, et je verrai ensuite en fonction de ce que je trouve. » Alan ne tenait plus sous l’anticipation. Elle le tirait en laisse, ne lui donnant que quelques indices aguicheurs sur son plan pour l’année à venir. « Je veux trouver le plus d’indices possibles quant à la disparition de mon oncle et de ma tante. » Peu convaincu, le jeune homme s’appuya contre son dossier, les bras croisés, les sourcils froncés. « J’croyais qu’entre Prendergast et toi, c’était tendu. » Nouveau haussement d’épaules, nouveau soupir. « Pas tendu, juste… étrange. C’est différent, c’est tout. Mais il reste de la famille, tout comme Alda, et ils méritent qu’au moins, j’essaie. » « M’ouais, fit son interlocuteur en détournant le regard. J’sais pas ce qu’il t’a fait, mais c’est pas du tout comme quand on était gamins, entre vous. Tes parents aussi, ils sont différents quand on parle de lui. » Evanore frotta sa joue de son index et prit une gorgée de son café, tentant d’esquiver la remarque. À son tour, Alan soupira, résigné à accepter une nouvelle réponse informulée chez la jeune femme, et s’étira avant de changer de sujet. « Et ensuite ? Tu comptes faire quoi ? » Un petit sourire se glissa sur les lèvres d’Evanore, enchantée par son prochain projet. « Ça, c’est chouette ! Un de mes professeurs est chargé de la nouvelle édition d’un bouquin d’histoire pour les lycéens, et il m’a demandé de l’assister ! La publication est prévue pour dans trois ans, alors je m’y attaque une fois revenue. » Alan, impressionné, leva les sourcils et lui sourit en retour, heureux de voir un peu d’enthousiasme chez elle. Il la félicita chaudement et, deux cafés plus tard, ils enfilèrent leurs manteaux et prirent la direction du chemin du retour. Juste avant de la laisser filer, Alan attrapa la main d’Evanore et lui souhaita beaucoup de bonheur, avant de se taire pour la fixer, perdu dans ses yeux. Perplexe, la jeune femme laissa échapper un petit rire nerveux, avant de lui demander ce qui clochait. Il lui fallut quelques secondes avant de répondre de sa voix pénétrante : « Parfois, je me demande ce qu’il serait advenu de nous deux, si les choses s’étaient passées… différemment. » Incertaine de vouloir connaître la réponse, Evanore cligna des yeux, les lèvres étirées en un rictus confus. « Qu’est-ce que tu veux dire ? Si j’avais pu avoir des enfants, ou si ma maison brûlée m’avait pas répugnée des plaisirs de la chair ? » Elle avait appuyé sur le dernier mot avec un certain sarcasme en échappant un ricanement, mais Alan, lui, restait de marbre. Il ne fit que l’observer plus intensément, les joues rosies par le froid. « Les deux, je dirais. » Le sourire d’Evanore s’effaça, et elle recula d’un pas, frappée de plein fouet. Elle hocha la tête, souffla un faible « Je vois. » et regarda Alan quelques instants, les bras serrés contre sa poitrine. « C’est toujours un plaisir de me faire rappeler que ce que je suis sera jamais suffisant. Bonne soirée, Alan. » Et tandis qu’il l’appelait, la suppliant de s’arrêter, jurant qu’il avait mal choisi ses mots, Evanore gagna la maison avec une seule idée en tête ; faire ses valises, foutre le camp et ne plus jamais remettre les pieds sur son île.
- Demain dès l’Aube:
Dix ans. Dix ans qu’elle travaillait sur des ouvrages de toutes sortes, adaptant sa plume aux jeunes apprentis ou aux vieux connaisseurs. Elle était maîtresse de sa matière, guerrière des mots et justicière de l’Histoire. À travers ses pages, elle partageait ce que le monde oubliait, redonnait vie à ce qui était mort depuis longtemps. Après le succès de sa collaboration avec son professeur, plusieurs éditeurs avaient remarquées la talentueuse Evanore, et c’est avec l’un d’eux qu’elle avait lancé sa carrière. Sa moyenne ? Un ouvrage aux dix-huit mois. Parfois un peu plus, parfois un peu moins. Mais après une décennie, les sujets s’usaient. Elle était confrontée à ce mur où l’Histoire n’avait plus rien à lui dire qu’elle ne savait pas déjà, rien qu’elle n’avait pas raconté aux autres à travers ses pages. Il lui fallait se renouveler, ou ses services seraient rapidement remerciés.
Ainsi, pour une durée de douze mois, Evanore avait été envoyée à Atlantis sous ordre de son éditeur. Libre à elle se poursuivre son séjour si tel était son désir, mais l’année imposée était non-négociable. Manadh regorgeait de vestiges et de secrets à partager. Certains historiens commençaient d’ailleurs à exploiter les mystères de l’île, et Evanore travaillait malheureusement pour un patron avide d’exclusivités. Avec son don, insistait-il, tout serait plus facile. Ensemble, ils pourraient partager aux mondes les merveilles de cette île d’autrefois, sur laquelle repose maintenant une ville de demain. C’était un projet grandiose, l’idée du siècle, le livre de sa carrière !
Ce qu’il ne lui disait pas, cependant, était qu’il avait remarqué les poches sous ses yeux, le vide dans son regard, la monotonie de sa voix. Il ne savait pas pourquoi, ni exactement depuis quand, mais sa protégée lui semblait de plus en plus amorphe, comme si elle était victime d’une fatalité qui la rattrapait et à laquelle elle s’était résignée. Avant son départ, il s’était finalement décidé à lui demander ce qui la tourmentait, et elle avait haussé les épaules, gardant la réponse pour elle, et uniquement pour elle.
Les aiguilles tournent, la trotteuse trotte, le sable s’écoule. Le temps file, la rattrape et, bientôt, ils frapperaient le point de non retour. C’était l’amour ou bien la mort.
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| Sujet: Re: Evanore A. Blavatsky § History has its eyes on you Mer 2 Jan - 11:10 | |
| Demande de pouvoir spécial : Clairvoyance du passé | « Désolée, monsieur, mais vous comptez m’expliquer ce que je fais ici ? Encore, s’il y avait eu des informations dans votre lettre, je ne vous dirais rien, mais mis à part des directives strictes pour me rendre ici… » Du haut de ses talons, Evanore peinait à suivre le rythme de son guide muet, et la douleur dans ses talons commençait à atteindre un niveau presque aussi haut que son impatience. Deux semaines plus tôt, elle avait reçu une invitation —non, une convocation— de la part du ministère. Il n’y avait pas d’explication, pas de contexte ; rien qu’une date, des directions, un sceau. Sa présence était requise par la loi. Alors elle avait obéi, plus par respect de l’autorité que par curiosité, et avait atterri entre les mains d’un travailleur qui avait visiblement les lèvres cousues. Voilà bien dix minutes qu’ils arpentaient les couloirs ainsi, tournant à chaque coin, descendant qu’un seul étage à la fois. Et pourtant, toujours, elle ne savait rien de la raison de sa présence. On la tenait dans l’ignorance. « Si vous voulez m’enfermer, ça vous prend un mandat, vous savez ? tenta-elle dans l’espoir de faire réagir son interlocuteur, en vain. »
Enfin, il se dressa devant une porte, sortit un trousseau contenant bien une centaine de clefs et choisit instinctivement celle qui se mariait à la serrure, et invita Evanore à l’intérieur d’un signe de la main. À l’intérieur, rien qu’une chaise, un petit pupitre, une plume, un encrier et un classeur. « Je vous passe un document de confidentialité, fit son guide d’une voix si forte qu’elle en sursauta de surprise. » Il se dressa devant le classeur, en ouvrit le premier tiroir et en tira un document, qu’il plaqua contre le pupitre sans délicatesse. « En signant ce document, vous consentez à ce que votre mémoire soit effacée quant aux événements d’aujourd’hui. Vous serez rapportée chez vous de façon sécuritaire et n’aurez que l’impression que tout ceci était un certain rêve. Vous n’aurez aucun souvenir que le ministère a fait appel à vous, des personnes que vous avez rencontrées aujourd’hui ou des informations qui vous ont été divulguées. Il vous faut les initiales ici, ici et ici, et la signature complète ici. » Evanore plissa des yeux et agita les pages du document en tentant de suivre sous les paroles machinales de l’homme. Effacer sa mémoire ? Mais qu’allait-elle donc faire aujourd’hui ? Exécuter des prisonniers, faire parti d’un jury, destituer le ministre ? « Juste… laissez moi lire le contrat. Je ne signe rien sans tout lire. » L’homme soupira mais ne protesta pas, et la laissa donc parcourir le document qui ne contenait finalement aucune information ou condition supplémentaire. Alors elle agrippa la plume, posa sa signature et tendit les papiers à son guide, qui les attrapa d’une main impatiente et les enfouit dans le second tiroir, définitivement plus long que le premier. Et ils reprirent la route, à nouveau dans le silence.
Elle n’y crut presque pas lorsqu’il marmonna «On y est presque. » Il descendirent de plusieurs étages, mais c’est en mettant le pieds hors de l’ascenseur qu’Evanore comprit enfin les raisons d’autant de formalités. Département des Mystères. Personne ne savait vraiment ce qu’il se tramait, là dedans. À Poudlard, les gamins se laissaient divertir par les légendes urbaines qui entouraient ce lieu, mais jamais l’un d’eux n’avait osé affirmer détenir une information pertinente et vérifiable. Alors de marcher dans ces couloirs, c’était comme de vivre une fantaisie de jeunesse, d’avancer à travers ces histoires qu’ils inventaient, parfois, autour du repas ou devant le feu. Ils avancèrent encore quelques instants, avant que le guide ne s’arrête devant une porte close et lui fit signe de l’attendre. Il se glissa à l’intérieur et l’abandonna dans le corridor vide, qu’elle balayait du regard pour la millième fois pour passer le temps qui ne s’écoulait plus. Enfin, il sortit, ouvrit la porte et lui fit signe d’entrer, avant de la fermer derrière elle.
Elle détourna vivement la tête, surprise qu’il ne la suive pas, mais une voix la força à renvoyer son attention à la pièce où elle se trouvait. « Par ici, mademoiselle Blavatsky. » Ah oui, mademoiselle. Elle avait passé le cap des trente ans, mais elle restait une mademoiselle. Un titre anodin qui lui laissait un goût amer à la bouche, lui rappelant sans cesse son lit toujours parfaitement soigné du côté droit, jamais froissé, jamais réchauffé. « Soyez pas timide, venez. » Une lueur verdâtre attira son oeil et elle retourna le regard devant elle, avant de faire un pas de recul. Dans l’immense pièce, il n’y avait rien. Pas de néon, pratiquement pas de meuble, pas de tapisserie, de classeur, de bureau ; rien qu’une énorme piscine d’eau verte luisante, remplie de centaines, voir de milliers de cerveaux qui nageaient à travers la substance. Elle servait de décoration, de luminaire, d’objet de recherche. Derrière, deux silhouettes étaient déformées par le liquide et le verre, et Evanore contourna lentement l’étrange installation sans la quitter des yeux. Même lorsque la voix s’éleva à nouveau, il lui fallut quelques secondes avant de se décider à détourner le regard. « Nous ne perdrons pas de temps. Nous vous avons trouvé une chaise —juste là—, vous pouvez prendre place. » Evanore écarquilla des yeux et, par réflexe, posa quelques doigts contre sa tempe. La Langue-De-Plomb éclata d’un rire fort, dérangeant. « Mais non, sotte ! Nous voulons simplement utiliser de votre particularité, c’est tout. Aucun souci à vous faire. Hum… Podmore ? Tu peux l’installer ? » L’estomac d’Evanore se noua et elle se tourna vivement vers la femme qui, jusque là, lui tournait le dos en fouillant dans une caisse de plastique. Elle lui fit face à sous tour et lui indiqua la chaise, sans plus de formalité, et Evanore s’y installa, le regard dur. Avec le peu de luminosité, on n’y voyait pas grand chose, mais l’éclairage était suffisant pour remarquer les iris bleus foncés de Cirice. « Voyez-vous, mademoiselle Blavatsky, nous avons reçu un généreux don pour notre recherche ; plus d’une trentaine de cerveaux humains, pour être exacts. Cependant, bien qu’ils soient arrivés dans un état remarquable, le don était anonyme et, par conséquent, nous n’avons aucune information sur aucune des personne à qui ils ont déjà appartenu. Nous tenons un registre très strict et complet sur l’identité de chacun, et devons nous assurer qu’aucun d’entre eux ne nous a été envoyé suite à une mort criminelle. Vous comprenez bien pourquoi. » Evanore ne l’écoutait plus. Elle avait déjà compris ; le ministère voulait l’utiliser. Pas de problème, allez-y, faites ce que vous avez à faire. Elle en avait cure de la raison qui la traînait ici ; ce qui importait, c’était que Cirice, sa petite Cirice, était là. Elle n’était plus fille, elle était femme. Elle avait grandit sans elle. Elle n’avait jamais répondu à ses lettres, jamais tenté de reprendre le contact. Elle avait choisi une vie sans Evanore, une vie sans celle qui pourtant l’avait porté sous son aile durant sa scolarité entière. « Je vais donc vous tendre un bocal, et vous me direz simplement à qui appartenait le cerveau. Simple comme bonjour. » La brune ne put s’empêcher de lâcher un rire, qui ressemblait presque à un ricanement. « Non, c’est pas si simple, fit-elle en soupirant. Déjà, je dois tenir l’objet dans mes mains. C’est le contact qui me permet de voir des choses. Et je suis navrée, mais la réponse ne m’apparaîtra pas aussi facilement. » L’homme releva un sourcil et lança un regard à Cirice, qui baissa la tête. Ça alors, mais qu’avait-elle donc raconté comme balivernes à son sujet ? « Je ne vois que l’origine des choses. Plus la vie de l’objet est longue, plus je vois longtemps, logiquement. Généralement, d’après les calculs que j’ai fait en me testant récemment, je dirais que j’arrive à observer les premiers… dix pour-cent de la vie de l’objet. Sous forme de visions, bien entendu, précisa-t-elle lentement, puisque les informations que détenait le travailleur étaient probablement erronées. Je travaille beaucoup avec l’inférence, en me basant sur les indices que me donnent les visions. Elles ne sont pas… les réponses par elles-mêmes. » La Langue-De-Plomb soupira, lança un Très bien et fit un signe à Cirice, qui s’exécuta et tendit des gants de latex à Evanore, qui lui répondit d’un regard dur. « Qu’est-ce qui est si difficile à comprendre lorsque je dis que je dois toucher l’objet en lui-même ? » La femme, d’un ton détaché, répondit : « C’est le protocole. » Evanore se retint fort de ne pas rouler des yeux, l’estomac toujours noué, et elle fit claquer sa langue en enfilant les gants. « Pas de problème, alors. Puisque c’est le protocole… » Cirice empoigna le couvercle du premier bocal, le dévissa de peine et de misère et empoigna le cerveau, qu’elle posa au creu des mains que lui tendait Evanore. Celle-ci ferma les yeux et plissa les paupières, agacée, et se lança. « Oh… Oh ! Je vois… je vois quelque chose. Oh, oui. Je vois… la Chine ! Oui, la Chine. Et il y a d’énormes machines… je vois une substance qui se fait modeler. Du caoutchouc ? Non. Du latex, oui. C’est du latex… » « Qu’est-ce que tu racontes ? fit Cirice, piquée. » Evanore ouvrit lentement les yeux et les plongea dans ceux de son interlocutrice ; froids, ils ne semblaient dégager rien d’autre que de l’agacement, mais leur couleur trahissait les sentiments qu’ils cachaient. « Je vous ai dit que je ne vois que ce que je touche. Là, je touche des gants. Je vous décris leur fabrication. C’est fascinant, vraiment. » Les deux employés échangèrent un regard, et, vaincu, l’homme hocha la tête et Cirice reprit le cerveau entre ses mains, le temps qu’Evanore se débarasse de son obstacle. « Je suis prête. »
Elle les enchaîna, les uns après les autres, voyant pour certains de la naissance à la petite enfance, chez quelques-uns jusqu’à l’adolescence, et chercha à travers les images les indices pouvant identifier la personne. Elle essayait d’entendre les parents nommer leur petit, de lire les noms de rues pour identifier leur localisation, de reconnaître des lieux ou des personnes qui sauraient en dire plus. À travers les yeux de ceux qui avaient autrefois vécu, elle tentait de retracer la vie qu’ils avaient menés. Cirice lui tendait les cerveaux tandis que son supérieur prenait les notes de ce qu’Evanore racontait. Puis vint cette petite chose, ce minuscule petit bout d’être, qui tenait facilement dans une seule paume. La brune releva les yeux, incertaine et le coeur serré, et Cirice haussa les épaules, témoignant qu’elle n’y pouvait rien si des enfants mourraient si jeunes. Alors Evanore ferma les yeux et se concentra. « Eh bah… j’arrive même pas à la naissance. J’suis un foetus. À en juger le peu que je vois, son corps est plutôt développé… peut-être à mi-chemin, ou un peu plus. C’est assez difficile de— oh, attendez. La mère parle… Je crois que le père se nomme Henry… Bon, évidemment, il appelle sa femme que par des petits noms… attendez… Ça y est ! Le bébé se nommera Ariel. » Elle ouvrit les yeux et tendit le cerveau à Cirice, qui le prit d’un air désolé et le posa dans le bocal, qu’elle traîna à l’écart de tous les autres. Evanore lança un regard interrogateur à l’homme, qui déposa son bloc-note pour aller chercher le bocal. « Melody Jones. Presque cinq ans, disparue depuis septembre dernier. » La femme recula contre son dossier et regarda ses mains avec dégoût, comme si elle avait elle-même participé au crime. « Je vais aller régler ça. Podmore, continue. Prend des notes sur ce qu’elle dit. Je serai pas long. » Et il disparu, bocal sous le bras.
Evanore attendit. De ses mains tendues dégoulinait la substance dans laquelle baignaient les cerveaux, et les gouttes commençaient à s’accumuler sur sa jupe. Elle leva alors les yeux vers Cirice, qui la fixait intensément. « Bonjour Eva. J’ai toujours su que ce don pourrait vraiment t’être utile. » La concernée releva le sourcil, se demandant réellement à qui était-il le plus pratique, à ce moment-là ; celle convoquée par le ministère, ou celle qui aurait probablement une prime pour avoir suggéré une telle trouvaille. Alors elle avança les mains, pour signaler de lui donner un nouvel échantillon à analyser, ce que fit la jeune femme perplexe. « Mary Asbourgh. D’après la mode de son entourage, je dirais que la naissance a lieu entre 1920 et 1925. » Cirice nota en haussant les sourcils, visiblement étonnée de la réponse qu’elle venait d’obtenir. « Tu ne me dis même pas bonjour ? Je t’ai connue plus polie. » Evanore ricana spontanément sous tant de bêtise. « Ne me donnes pas de leçon sur la politesse. » Elle saisit le nouvel échantillon, tandis que Cirice reprenait ses notes. « Mais pourquoi donc ? Je te trouves bien agressive. » « Oh, Cirice, je t’en prie. J’avais personne, et tu le sais. J’avais le moral complètement démoli et la confiance— » Prise de visions, elle marqua une pause. « Susan Ivy, Londres. Il neige, dehors. Sur l’horloge de la chambre, je vois 19:21. Oh, attend, ils parlent à la radio… 11 janvier 1960. » Elle tendit le cerveau à nouveau et poursuivit. « J’étais au fond du baril, après le pacte. Et encore pire, après l’incendie. Et, malgré que je t’ai écrit, j’ai eu aucune nouvelle de toi. Aucune. » Cirice s’éclaircit la gorge en rangeant l’échantillon dans le bocal. « J’ai jamais reçu ta lettre. » Evanore leva les yeux aux ciel en marmonnant : « Mes lettres. », ce qui engagea un soupir chez Cirice. « Tu veux vraiment faire ça maintenant ? lança-t-elle d’un ton détaché. » Comme toute réponse, la brune l’observa avec une certaine peine dans le regard, avant d’hausser les épaules. « Quel intérêt ? À ton ton, je vois bien que toi, tu n’es pas intéressée. Et puis, je ne me souviendrai d’absolument rien de cette journée. » Le bleu des yeux de Cirice devint plus intense quelques secondes, avant de laisser place à son marron habituel. « Exactement, ça n’a aucun intérêt puisque tu ne t’en souviendras pas. Tu as tout dit. Tu comprends aussi bien le présent que le passé. » Et Evanore hocha la tête en silence en tendant les mains, prête à en finir au plus vite et d’enfin se débarrasser à tout jamais de cette journée de douleur.
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| Sujet: Re: Evanore A. Blavatsky § History has its eyes on you Mer 2 Jan - 11:14 | |
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| Sujet: Re: Evanore A. Blavatsky § History has its eyes on you Mer 2 Jan - 11:29 | |
| Rebienvenue avec ce personnage qui annonce déjà beaucoup ! |
| Sujet: Re: Evanore A. Blavatsky § History has its eyes on you Mer 2 Jan - 11:56 | |
| Rebienvenue ! J'ai pas encore tout lu mais ça annonce du bon |
| Sujet: Re: Evanore A. Blavatsky § History has its eyes on you Mer 2 Jan - 12:12 | |
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| Sujet: Re: Evanore A. Blavatsky § History has its eyes on you Mer 2 Jan - 21:37 | |
| La guerre arrive :)
"Bienvenue". |
| Sujet: Re: Evanore A. Blavatsky § History has its eyes on you Mer 2 Jan - 22:29 | |
| Tes moodboard me font toujours rêver Sha those colors yo ma colormate |
| Sujet: Re: Evanore A. Blavatsky § History has its eyes on you Ven 4 Jan - 14:15 | |
| *pousse Tati contre un mur*Coucou twa REBIENVENUE |
| Sujet: Re: Evanore A. Blavatsky § History has its eyes on you Dim 6 Jan - 0:16 | |
| Cirice : Vaniteuse, va. Matt : Merci beaucoup Léandre : Prepare for trouble, and make it triple. Oswald : Go back to the ospice where you belong. Adra : À ton service Al : regarde Tatiana être délaissée et hausse les épaules.MERCI BB Pour vous tenir au courant, j’ai terminé les anecdotes ! Il ne me reste que le RP test et je me joins à vous héhéhé |
| Sujet: Re: Evanore A. Blavatsky § History has its eyes on you Dim 6 Jan - 13:36 | |
| Historienne, spécialisée dans les arts occultes et les formes de magie anciennes Mais quel choix fantastique Bienvenue sur Catharsis ! |
| Sujet: Re: Evanore A. Blavatsky § History has its eyes on you Lun 7 Jan - 8:02 | |
| Re-bienvenue avec ce perso dont l'occupation a l'air très cool en effet :D ! |
| Sujet: Re: Evanore A. Blavatsky § History has its eyes on you Lun 4 Fév - 13:03 | |
| | Bienvenue, cher habitant ! | Tu es dès à présent validé, le jeu se trouve désormais à portée de main !
Il te reste néanmoins quelques formalités importantes à finaliser afin de te garantir une évolution sans accroc dans l’univers de Catharsis. Tout d’abord, pense à aller réserver ton avatar dans le bottin, à compléter le recensement de Catharsis et à signaler ton nouveau personnage dans registre des comptes multiples si nécessaire. Il est aussi utile de te créer un journal de bord pour garder le fil de tes aventures, ainsi qu’une fiche de liens pour décrire tes relations avec les autres. Enfin, une boîte aux lettres permettra de te contacter facilement IRP, et une demande de logement signalera ton arrivée à tes voisins ! Enfin, il est utile de faire référencer ton activité professionnelle dans le registre des métiers, où tu pourras également proposer des jobs aux étudiants si tu as besoin de petites mains. Dernière chose, n'oublie pas de nous rejoindre sur le serveur Discord qui regroupe les membres de Catharsis pour discuter avec la communauté !
Bon jeu ! |
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| Sujet: Re: Evanore A. Blavatsky § History has its eyes on you | |
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| | Evanore A. Blavatsky § History has its eyes on you | |
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