Sujet: Tatiana L. Voronkova | Y'know, some guys just can't hold their arsenic Sam 7 Avr - 23:31 | |
| | | | | | | Tatiana Ligeia Voronkova | Informations civiles | Nom : Voronkova. Nom plutôt commun et répandu, il a cependant été choisi avec soin pour cacher celui qui lui revenait pourtant de droit : Raventhrone. | Prénom(s) : Tatiana. Prénom russe banal qui ne suscite aucune questions, donné à une servante banale à la vie banale. Plus tard, il déviera vers Anya, mais nous y reviendront. Sa mère avait souhaité la nommer Ligeia, mais vous savez ce qu’on dit : « En train de dépérir ? Pas ton mot à dire ! » | Date de naissance : 14 janvier 1982. Née en plein milieu d’un centre psychiatrique, il a fallu que son père la voit pour croire en son existence. Mais pouvait-on vraiment lui en vouloir ? Qui aurait cru une démente qui prétendait être enceinte ? | Âge actuel : 18 ans. Corps encore frais, âme vieille de plusieurs siècles. Mais son esprit, lui, oh. Corruptible comme celui d’un enfant. | Origines : Russes. Et, bon Dieu, qu’elle les aime, ses origines ! Si elle n’avait pas été qu’une simple gamine lors du déménagement à Londres, elle n’aurait jamais quitté sa terre natale. | Métier, cursus : Violoniste d’orchestre. Toujours en apprentissage, elle a tout de même son siège au sein du très jeune OSMA (Orchestre Symphonique Mixte d’Atlantis). | Alignement politique : Membre de Gloriam. Depuis son adolescence, qui plus est. Mais chut, c’est un secret. Vous devinerez donc facilement qu'elle est une fière conservatrice, et que son coeur est entièrement dédié à la science. |
| Informations Magiques | Statut de sang : Sang-Pur. Enfin, techniquement. Car la propreté du sang Raventhrone qui circule entre ses veine est souillée par un état déplorable, par un sort injuste qui s’est abattu sur cette enfant qui n’avait rien demandé. Une malédiction que l’on peut résumer en un mot : Cracmole. | La magie en un quelques mots : Un peu comme le communisme: très chouette sur papier, utopique en hypothèse, chaotique lorsque offerte aux humains. | Préjugés : Pleins, tout pleins. À commencer par l’aristocratie sorcière, qui n’a définitivement plus sa place au XXIe siècle, avec ses soirées mondaines et ses airs d’arrogance. Tous les sorciers, en fait, devraient retirer cet air de supériorité de leur visage. Après tout, pas besoin d’être magique pour faire des étincelles avec sa baguette. | Patronus : Ce serait une pieuvre. Furtive, mais prudente, elle n’hésitera pas à utiliser son encre pour sauver sa peau. | Épouvantard : Excellente question. À force de se persuader qu’elle est intouchable, elle a fini par le croire. Pour le coup, il s’agirait probablement d’elle-même, dans sa robe noire de son temps chez les Raventhrone, serrant son violon en morceaux derrière les barreaux de sa cellule. | Miroir du Riséd : Ah, ça. Ça, c’est facile. Elle, en robe scintillante, un Stradivarius à la main, devant une audience admirative et captivée. | Ancienne école/maison : La bonne blague. Comme si on l’avait envoyée à l’école ! Elle sait lire le russe, écrire le russe. Lire la musique, écrire la musique. Et c’est tout. Elle se débrouille en anglais, mais on ne lui a jamais appris la langue. À quoi bon risquer qu’elle ouvre sa trappe ? |
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Descriptions | Caractère de votre personnage
A, pour Ambitieuse. D’interprète de maison, à artiste de rue, à violoniste d’orchestre, elle ne laissera jamais son environnement ou sa condition l’empêcher d’atteindre ses buts. B, pour Bornée. L’un vient avec l’autre. Un non ne sera jamais un non. C, pour Calculatrice. Merci à ses modèles de jeunesse, elle a appris l’art de la manipulation en observant son père et ses associés argumenter le futur de la compagnie. D, pour Discrète. Vous ne la verrez jamais arriver, vous ne l’entendrez jamais partir, vous ne sentirez jamais sa main qui se glisse dans votre poche pour en retirer votre portefeuille garni. E, pour Égoïste. Comment faire autrement ? Dans un monde comme celui-ci, c’est chacun pour soi. F, pour Froide. La confiance, ça se gagne, et pas à n’importe quel prix. G, pour Gracieuse. Grandir en milieu aristocrate, ça laisse des traces. H, pour Hypocrite. Au point où nous en sommes, êtes-vous vraiment surpris ? I, pour Ingénieuse. La rue, ça vous forge des réflexes et vous force à vous débrouiller avec ce que vous avez entre les mains. J, pour Juste. Elle suit un code d’honneur qu’elle a créé elle-même, et guide ses actions au rythme de sa propre justice. K, pour… K… K…Kan même, faut pas déconner, mon vocabulaire n’est pas si riche. L, pour Libre. Plus que trait de caractère, c’est un véritable état d’esprit chez elle. M, pour Menteuse. Parfois, il faut choisir entre la vérité et la vie. Et elle a choisi la vie. N, pour Naïve. Oh, tellement putain de naïve. Faute à la jeunesse et au désespoir, fort probablement. O, pour Orgueilleuse. Elle a une fierté, la Anya. Une grande fierté qui la fait foncer tête première dans des situations qui auraient dû être évitées. Mais que voulez-vous. Sa fierté, c’est tout ce qui lui reste. P, pour Prétentieuse. Meilleure amie de son orgueil, cette arrogance n’est qu’une carapace de verre qui protège tant bien que mal son coeur fragile. Q pour Questionneuse. Pourquoi ci ? Pourquoi ça ? Comment ça ? Depuis quand ? R, pour Réservée. On lui a toujours appris à bien la fermer, peut-être cela a-t-il eu une incidence ? S, pour Souriante. C’est un réflexe, maintenant. Souris, pour ton public. Souris, pour nos invitée. Souris, Tatiana. Souris, souris, souris. Jusqu’à ce que tu en es mal. T, pour Tenace. When life gives you lemons, make a bloody lemonade. U, pour Unique. Et c’est le cas de le dire. V, pour Violoniste. Non, ce n’est habituellement pas un trait de caractère. Mais lorsque votre instrument est toute votre vie, il fait parti de vous. W, pour Wicked. Il ne lui manque que la peau verte. X, pour Xénophobe. Douter de tout le monde, tout le temps, à un point frôlant la paranoïa. Y, pour… Y a des lettres pas faciles, hein ? Z, pour Zélée. Si elle pouvait pratiquer son instrument quarante heures par jour, elle le ferait. Chaque nouveau conseil, chaque nouvelle critique est appliquée avec une attention presque religieuse, presque obsessive.
| Autres informations
-Son anglais est d’une tristesse accablante. Après avoir quitté le manoir familial pour gagner la seconde demeure à Londres, personne n’a jamais songé à lui apprendre la langue de l’Angleterre. En plus d’être très peu stratégique, c’était aussi une véritable perte de temps. Pourquoi se forcer à éduquer une amuseuse de foule ? Elle a donc appris en écoutant les autres parler, en analysant leurs expressions et leurs élocutions, et tente au maximum de ses capacités de s’exprimer. -Si elle sait lire et écrire le russe, elle préfère de loin lire et écrire les rythmes et les notes. Elle choisira toujours les portées avant les phrases. -Si elle avait eu la chance d’être éduquée comme il se doit, la chimie l’aurait probablement accrochée. Les mélanges, les réactions, les substances, tout ça…
| Réputation
On ne la connaît pas. Elle est une ombre qui se glisse et qu’on ne remarque point, dont on ne se souvient point. Ceux qu’elles croisent l’oublient vite. Ceux qu’elle souhaite croiser l’évitent involontairement. « Je ne vous avait pas vu, mademoiselle ! » qu’ils disent tous. « Ah, oui, maintenant que vous le dites, je me souviens d’elle ! » qu’ils disent tous. Mais un jour, un jour, elle sera mémorable.
| Rêves & Ambitions
Une scène, semblable à celle d’Atlantis, mais plus grande, plus grandiose. Un orchestre, semblable à celui d’Atlantis, mais qui se trouve derrière elle, qui l’accompagne. Un public, semblable à celui d’Atlantis, mais plus attentif, plus érudit, moins mixte. Elle, sous les projecteurs clairs de la salle, qui effectue son solo avec virtuosité, tandis que les yeux sont rivés sur elle, et elle seule. Elle n’est plus une accompagnatrice, elle n’est plus un vulgaire outil de divertissement qu’on ne paie pas, qu’on manipule, qu’on tente de convaincre qu’elle est bien traitée. À la maison, ses enfants dorment, sous le regard bienveillant de son mari, qui l’aurait aimée, qui l’aurait choisie. Le succès, l’amour, la famille. C’est si peu demandé, alors pourquoi est-ce si inatteignable ?
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Opinions Politiques | Quel est le ressenti de votre personnage vis à vis de la mixité ?
Quelle idée de merde. Il faut choisir. C’est l’un, ou c’est l’autre. Et, à choisir entre le camp débrouillard, qui utilise sa tête pour se sortir de ses problèmes et ses poings pour se défendre, ou le camp de la facilité, qui est complètement démuni sans son bout de bois, la décision est facile. D’autant plus que l’un est beaucoup enclin à la survie que l’autre. Dans un monde où la magie règne, les moldus ont su s’adapter. Dans un monde hypothétiquement sans magie, les sorciers seraient perdus.
| Que pense-t-il des rumeurs de groupuscules extrémistes sorciers et moldus, tels que Magic is Might et Gloriam ?
Gloriam. Sa nouvelle famille, sa seule famille. Ceux qui ont su lui tendre la main alors qu’elle n’avait personne, qu’elle était misérable. Elle leur doit énormément, elle leur doit tout. Et, si elle est plus que consciente de l’existence de Gloriam, elle n’a aucun mal à imaginer que les bêtes ait formé, eux aussi, leur petite communauté. Mais, étrangement, elle éprouve un certain respect envers les membres de Magic Is Might ou, du moins, plus de respect pour eux qu’envers les sorciers lambdas : eux, au moins, reconnaissance que la cohabitation n’est qu’un projet utopique et voué à l’échec.
| La technomagie: bonne ou mauvaise idée ? Pourquoi ?
Meh, peu importe. Pour l’instant, du moins. Car comme toute grande invention de l’humain, elle finira par dégénérer un jour. Vous verrez. L’homme ne sait pas se contenter de ce qu’il a. Il doit toujours pousser loin, plus loin, trop loin. Jusqu’à ce qu’il soit trop tard.
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Biographie | Les dialogues en italique sont prononcés en russe. - Konstantin | 81-82:
Épargnons nous les détails tragiques de la famille Raventhrone, voulez-vous ? Nous nous contenterons du nécessaire, délaissant les informations superflues. Nous sommes donc en 1981, alors que la famille habite toujours sa demeure principale de Russie. Adrasteia n’a que trois ans et sa mère, Valerya, est malade depuis déjà plus d’une année. La soeur de la malheureuse réside au manoir depuis quelques mois déjà, espérant pouvoir apporter son aide au coeur de la famille. Les épisodes de démence de Valerya, de plus en plus fréquents, deviennent psychologiquement insupportables pour son mari. Konstantin, prisonnier de ses souvenirs heureux avec son épouse, mais victime de sa raison qui le martèle d’une fatalité qu’il n’est pas prêt à accepter, se trouve à cheval entre le désir de s’accrocher et l’épuisement qui le force à lâcher prise. En avril 1981, le misérable tente une dernière tentative de rapprochement avec sa femme, une dernière caresse ultime, où il verse tout son amour, toute sa passion, dans l’espoir que, peut-être, cela guérirait l’esprit tourmenté de Valerya. Pauvre idiot. C’était comme faire l’amour à une morte. Désespéré, accablé, épuisé, c’est auprès de Viktorya, sa belle-soeur, qu’il trouva réconfort. Elle était de loin le meilleur substitut de son épouse disponible sur le marché. Mais une chose en mena une autre, et nous voilà en 1982, où Konstantin et Valerya divorcent, que monsieur se remarie avec son amante, et que deux jumeaux naissent de cet union. Et ça y est. Maintenant, vous êtes à jour, vous savez tout.
À un détail près.
Il a bien des défauts, Konstantin. Il a quelques qualités aussi, comme tout le monde, mais que cela reste entre nous : la prudence ne faisait pas parti de sa liste. Le pauvre idiot, en plus d’enfanter son amante avant même le mariage, a aussi mis enceinte son ex-femme. Et, durant toute la grossesse, il ne crut pas un mot de ce que les médecins lui racontaient : évidemment qu’elle n’était pas enceinte ! Quels psychiatres étaient assez stupides pour croire à la lettre les absurdes paroles d’une démente ? D’ailleurs, il ne visitait pas sa femme ; il laissait Adrasteia, accompagnée de Olesya, la gouvernante en chef, se charger du fardeau. Et il stipula que plus jamais il ne voulait entendre parler de cette histoire de fétus. Quelle ne fut pas sa surprise lorsque le centre l’appela pour lui demander : « Monsieur Raventhrone ? Le bébé est né, mais la mère n’est pas en état de déclarer sans aucun doute l'identité du père… Il serait apprécié de vous présenter le plus rapidement possible. » Et il y était allé.
La petite avait ses yeux. Et, même si elle venait de naître, il croyait reconnaître les lèvres de Valerya, sa Valerya. Il demanda combien il devait payer pour que l’on inscrive parents inconnus sur le certificat de naissance. Sous le regard incrédule de l’infirmière, c’est le docteur qui fixa son prix. Adrasteia, qui visitait sa mère lors de l’accouchement, attendait dans le couloir, anxieuse et déboussolée. C’est Tatiana au creux de ses bras qu’il alla voir sa fille pour la ramener à la maison. Il ne laissa au nourrisson qu’une tétée du sein de sa mère, avant de regagner le manoir avec ses deux enfants.
Il ordonna à Olesya d’engager une nourrice sur le champ, que le bébé serait affamé dans quelques heures, et qu’il était hors de question qu’elle soit nourrie aux formules chimiques en poudre pour poupons. La pauvre gouvernante, à la fois perplexe, curieuse et atrocement perdue, ne posa aucune question. Il y avait longtemps qu’elle avait appris à se taire.
- Olesya | 82-86:
« Vous allez déclarer Tatiana comme la vôtre, monsieur ? fit sérieusement Olesya, après les explications que lui avait offert Konstantin. Avec la maladie de votre femme et votre divorce imminent, je ne sais pas si c’est la solution la plus sage… » La gouvernante serrait le bébé contre son coeur, alors que le père de la petite était dans tous ses états. Tous deux dans les appartements de ce dernier, le seul lieu où ils avaient une intimité inviolable, ils tentaient de planifier la suite. « Je sais bien ! rugit Konstantin. Je sais que c’est complètement insensé ! Alors, que devrais-je faire, hein ? L’orphelinat ? » « Non ! répliqua la vieille femme, presque par réflexe. Non. La petite n’a pas à payer pour vos erreurs, et elle se doit de vous connaître comme son père. Elle n’est pas orpheline, rien qu’un accident... » Konstantin se laissa tomber sur son lit et, le dos courbé, se prit la tête entre les mains. « Et comment m’assurer qu’elle ne parlera pas ? C’est une enfant, elle peut s’échapper. » L’aînée réfléchit un instant, et posa les yeux sur l’enfant endormie qui reposait dans ses bras. « Je l’éleverai. Entièrement. Elle passera les premières années de sa vie dans les appartements des domestiques, et ne croisera personne d’autre que vos employés. Si elle vous appelle, présumons, ‘’père’’ devant eux, je dirais simplement que vous avez souhaité offrir une figure paternelle à une pauvre enfant orpheline. Dans tous les cas, vous n’êtes pas perdant. » L’homme releva la tête et fixa la gouvernante de son regard rougi, tandis qu’elle gardait cet air froid qu’elle revêtait depuis toujours. « Et Valerya ? Et Adrasteia ? » Sa voix était si faible, ç'en était presque pathétique. « Personne ne croira une folle, répondit durement Olesya. Et quant à la petite Adra… un sortilège d’Oubliettes ne doit pas être si difficile à exécuter, n’est-ce pas ? Et lorsque Tatiana sera plus vieille- » « Vieille comment ? » « Suffisamment pour comprendre. Et bien, à ce moment… nous prendrons les mesures nécessaires pour qu’elle ne dise pas un mot. »
Rien d’autre ne fut nécessaire. Cette nuit-là, ils avaient signé un pacte invisible, celui de garder le silence et de créer une vie imaginaire à cette enfant qui n’aurait jamais dû voir le jour. Il ne restait qu’une dernière chose à faire avant que l’on ne puisse oublier cette nuit… Tandis que Olesya descendait aux appartements des domestiques pour créer un lit de fortune pour la petite, Konstantin monta sur la pointe des pieds les escaliers qui menaient à la chambre d’Adrasteia. La fillette, endormie, serrait une peluche contre son cœur. Son père s’approcha doucement et déposa sur son front un doux baiser, avant de pointer sa baguette contre la tempe de la petite. De sa petite tête, il extirpa les souvenirs reliés à la naissance de sa sœur, magouillant aussi dans les images de sa mère enceinte. D’un coup de poignet, il relâcha les filaments dorés de mémoire dans l’air et, agitant sa baguette entre ceux-ci, les fit se dissiper jusqu’à ce que la poussière d’or ne disparaisse entièrement.
S’en coula ainsi les années, où une Tatiana orpheline recueillie par un aristocrate ô si bon grandissait dans le sous-sol du manoir Raventhrone. Déjà à quatre ans, elle savait quand il était adéquat d’appeler Konstantin « père » plutôt que « monsieur », et inversement. C’est d’ailleurs à ce moment que le maître et la gouvernante comprirent qu’il était temps d’entamer la dernière étape de leur plan. Un bon soir, ils prirent la fillette à part, alors qu’elle allait se coucher. Konstantin s’était agenouillé devant elle, et l’observait droit dans les yeux. « Tatiana, dis moi… aimerais-tu assister aux cours d’Adrasteia et des jumeaux ? Tu aimerais apprendre des choses ? » Tout de suite, la petite se mit à jubiler d’excitation. Elle n’avait aperçu les enfants Raventhrone que de loin, lorsque séquestrée à l’intérieur, elle les observait s’amuser dehors. « Oh, oui ! Oh oui père, je veux ! Je veux, je veux ! » La petite sautillait presque, le sourire étiré jusqu’aux oreilles. C’est Olesya qui la ramena à l’ordre : « Du calme, du calme. Attends donc de connaître la suite. » Konstantin hocha la tête lentement, et posa ses mains contre les épaules de sa fille. « Cependant, tu sais comme moi qu’ils ne doivent pas apprendre que tu es leur sœur. Tu te souviens pourquoi ? » La fillette écarquilla des yeux et sa bouche s’entrouvrit d’elle-même lorsque la réponse frappa son esprit. « ‘’Parce que je suis une honte’’, récita-t-elle fièrement. ‘’Je suis une honte parce que je suis i-llé-gi-time, et que je ne suis pas magique. Je suis une honte et c’est pas grave, parce que papa m’aime. Et si papa m’aime, le reste compte pas.’’ C’est ça, hein ? » « Oui, Tatiana, fit Konstantin en lui frottant la tête. Oui, c’est ça. Alors, je suis prêt à accepter que tu te joignes aux autres, tant que tu gardes le silence…-» « Mais je dirai rien, père ! fit la fillette qui s’impatientait. Je dirai rien, c’est promis ! » Devant l’enthousiasme débordant de sa fille, Konstantin ne put s’empêcher de sourire. « Et bien justement, on va faire une promesse solennelle, toi et moi. Tu sais ce que veut dire ce mot ? Solennel ? » Tatiana baissa les yeux au sol, tordant ses mains dans son dos en réfléchissant. Elle risqua un regard vers sa gouvernante, qui répondit à sa place : « Ça veut dire que c’est important, et que c’est vrai et authentique. » La petite sourit et reposa le regard sur son père. « J’le savais. » Konstantin prit doucement le bras de sa fille, et l’invita à serrer le sien comme il faisait. Olesya, quant à elle, agrippa sa baguette rangée dans son tablier. « Toi et moi, nous allons faire une promesse qui est inviolable. Ça veut dire que ça ne peut jamais être brisé. Sous aucun prétexte. » Tatiana, soudainement légèrement inquiète, observa son père avec perplexité. « Qu’est-ce qui arrive si je fais un accident ? » Son père baissa les yeux un instant et hésita à répondre. « Tu iras au ciel. » finit-il par dire doucement. Sous la surprise, la petite relâcha le bras de son paternel et le serra contre sa poitrine, terrifiée à l’idée d’une telle éventualité. « Ne t’inquiète pas, ma chérie, fit Olesya. Tu ne te tromperas pas. Tu es une championne. » Les sourcils froncés, la fillette alternait les regards furtifs entre sa gouvernante et Konstantin, avant de lui offrir à nouveau son bras tremblant.
« T’engages-tu, commença la vieille, Tatiana Voronkova, à ne jamais dire un seul mot quant à tes liens de sang avec Konstantin Raventhrone et sa famille, à quiconque qui ne soit ni lui ni moi ? » La petite, qui n’avait pas comprit tous les mots, déduisit qu’elle devait simplement acquiescer, ce qu’elle fit. « Et t’engages-tu, Tatiana Voronkova, à faire passer la réputation de la famille Raventhrone avant tes propres envies et besoins ? » Et à nouveau, elle approuva sans tout saisir, se disant qu’à l’avenir, elle n’aurait qu’à être muette en toutes circonstances. Tandis que Olesya scellait le sortilège, Tatiana se mit à rêvasser quant aux futurs sujets qu’elle apprendrait enfin. Bien sûr, elle avait hâte de savoir lire et écrire comme une grande, mais c’était la musique qui la faisait trépigner d’impatience. À force d’entendre Miss Adrasteia jouer depuis qu’elle n’était qu’un bébé, une passion avait naquit en elle. Une passion qui l’accompagnerait pour toujours, à la vie, à la mort.
- Nikolaï | 87:
Rapidement, on tint parole. Tatiana rejoignit les leçons de russe avec les autres enfants Raventhrone et, malgré son jeune âge, semblait bien suivre le rythme. Elle s’exprimait vivement, sans la grâce d'Adrasteia, mais avec une clarté exceptionnelle. Cependant, malgré le déménagement récent à Londres, on ne luit fit jamais apprendre l’anglais, mais elle s’en fichait. Elle apprendrait autrement. Finalement entourée d’enfants, la petite Tatiana était absolument ravie. Certes, elle ne s’entendait que très peu avec les garçons, mais elle trouvait sa sœur aînée très aimable. Une fois, elle avait déposé sa plume sur son pupitre le temps d’aller au petit coin. À son retour, la plume n’y était plus. Ayant remarqué la perplexité et l’inquiétude dans le regard de Tatiana, la fillette lui avait doucement chuchoté qu’elle avait dû rouler quelque part, ou qu’un des jumeaux la lui avait piquée. Et elle lui avait prêté la sienne. Comme ça, purement, innocemment. Comme si Tatiana était son égale, comme si elle ne la voyait pas aussi sale que tout le reste de la maisonnée. Et elles s’étaient souri, contentes d’avoir une alliée dans cette prison de pierre. Pendant des mois, on ne laissa Tatiana assister à rien d’autre que les cours de langue. Pas d’histoire, pas de mathématiques, pas de sciences, pas d’art. Rien que l’essentiel pour en faire un être suffisamment fonctionnel. Un peu avant son sixième anniversaire, cependant, on la laissa observer une leçon de piano d’Adrasteia. On lui apporta une chaise sur laquelle elle se posa sagement et, comme elle savait si bien le faire, se rendit complètement invisible. Dans la salle de musique, circulaire et spacieuse, se dégaeait une atmosphère rare de calme pur et clair. Les grandes fenêtres baignaient la pièce des doux rayons d’une journée paisible d’hiver. Au centre de la pièce, un immense piano à queue imposait les visiteurs de sa présence, et c’est derrière celui-ci qu’Adrasteia s’installa. Son professeur lui demanda d’abord de répéter le solfège qu’ils avaient vu lors de la dernière session, avant de lui demander de jouer sa première étude. Elle n’avait absolument rien de mélodieux ; purement technique, les notes n’enchainaient aucune harmonie, aucune musicalité. Mais dès que la fillette posa ses frêles doigts sur les touches, le cœur de Tatiana se serra. Juste de la voir jouer pour la première fois depuis cinq ans lui donnait envie de pleurer. Elle avait pris l’habitude de s’asseoir dans les escaliers menant à la cave pour entendre l’écho des notes résonnantes du piano, et avait suivi l’évolution musicale d’Adrasteia religieusement. Et à présent, elle l’entendait véritablement jouer. Elle la voyait véritablement jouer. Lorsque la fillette enchaina avec ses pièces à l’étude, Tatiana cru voir là un ange qui performait au Paradis. Illuminée par la lumière du jour qui se reflétait sur la neige, la jeune pianiste semblait immaculée. Et sa jeune sœur n’en était que plus éblouie. Le soir de cette même journée, lors de sa rencontre hebdomadaire en tête à tête avec son père, Tatiana lui lança très sérieusement qu’elle voulait, elle aussi, se mettre à la musique. Qu’elle désirait, comme Adrasteia, transporter ceux qui l’écouteraient vers ce paradis qu’elle créerait. Et Konstantin dit non. Il dit non à chaque rencontre, à chaque demande, pendant des semaines. Jamais Tatiana ne lâcha l’affaire. C’est lorsqu’elle préparait le feu dans la salle de musique qu’une occasion en or se présenta. Il était là, tenant la main d’Adrasteia, qui le tirait jusqu’au piano avec excitation. Une fois par mois, elle performait pour lui afin qu’il surveille sa progression. Tatiana, agenouillée près du foyer, se releva sur ses maigres jambes. Konstantin ne lui accorda aucun regard. « Maître Raventhrone ? » Il l’ignora tandis qu’Adrasteia lui jeta un coup d’œil furtif. « Maître Raventhrone. » Cette fois, il se retourna. Son visage de marbre ne laissait paraître aucune expression, mais ses yeux terribles lui transpercèrent le cœur de leur dureté. Elle eut le souffle coupé devant une telle froideur. « Qu’est-ce, Tatiana ? » Elle inspira profondément et rejeta ses épaules vers l’arrière, comme pour se donner des airs de général. « Moi aussi, je veux jouer. » Et soudain, la glace de son regard se changea en flammes. Non, en feu. En explosion. La colère lui monta au visage. « Nous en avons parlé, Tatiana, et la réponse est non. » Elle croisa les bras. « Et bien, c’est pas juste. » Il eut un ricanement. « Réveille-toi, Tatiana. Rien n’est juste dans cette vie. » Et il rapporta son attention sur une Adrasteia visiblement très malaisée. Mais Tatiana ne s’arrêta pas là et fit un pas vers eux. « Elle, elle peut jouer! Pourquoi moi, je peux pas? » Konstantion poussa un râla et fit battre le piano de son poing, faisant sursauter les deux fillettes. « Parce que Adrasteia est ma fille! Et toi, toi tu n’es rien, ma pauvre enfant. Maintenant, ça suffit, et ne me fait pas regretter de t’avoir recueillie alors que tes parents ne voulaient pas de toi. » Les deux enfants en eurent le souffle coupé. Si l’on ne percevait que de la rage dans les yeux de Konstantin, ceux de Tatiana reflétaient la douleur vive d’une enfant au cœur en miettes. En elle, à cet instant, une petite partie de son âme mourut. Mais elle n’en pleura même pas. Elle ne fit que retourner à son foyer en silence. C’est Adrasteia qui brisa le silence. « Excusez-moi, père, mais, si Tatiana ne peut pas faire de magie avec des pouvoirs, pourquoi ne peut-elle pas en faire avec la musique ? » La fillette en échappa son outil métallique contre le marbre du sol. Le métal raisonnant fut le seul son dans la pièce pour au moins deux minutes. C’est lorsque Tatiana se leva pour quitter la pièce que Konstantin rompit le silence. « Je t’enverrai avec Olesya te procurer un violon. Ne me déçois pas, Tatiana, ou je te le ferai brûler dans ce foyer. » La petite, ébranlée, ne fit qu’hocher la tête en murmurant merci. C’est le sourire aux lèvres qu’elle parcourut le couloir, s’arrêtant un instant pour ramasser les éclats d’un vase qui avait volé en éclats. Ah, les jumeaux.* * * Elle avait été chez un luthier français. Reconnu pour ses instruments, magiques ou non, il avait offert à Tatiana la crème de la crème. La mentonnière et les oreillettes en bois de rose clair, le reste de la robe d’un brun chocolat, il était aussi magnifique qu’il sonnait bien. Elle le nomma Nikolaï. Il n’y eut jamais plus de rencontre hebdomadaire. Elle ne l’appela plus jamais père. Il lui faudra attendre deux ans pour, à nouveau, se retrouver en tête à tête avec un parent.
- Valerya | 90-93:
On délaissa rapidement tout autre type d’enseignement. Tout de suite, on dédia Tatiana entièrement à la musique et au perfectionnement de sa maîtrise du violon. On fit travailler sa voix aussi, un peu. Seulement histoire de se vanter que la servante était une prodige. Âgée de huit ans à présent, elle ne faisait plus vraiment de tâches domestiques. La seule qu’on lui adressait encore quotidiennement était d’apporter les deux verres de whiskey aux maîtres dans la chambre principale. Ils avaient cette habitude de boire leur liqueur avant de se coucher, et préféraient que le tout soit déjà servi lorsqu’ils arrivaient. Avec les années, Tatiana avait saisi les raccourcis et les passages secrets du nouveau manoir, et s’y déplaçait avec la furtivité d’une souris. Ainsi, elle évitait les mauvaises rencontres avec les jumeaux ou le maître, et pouvait se promener à sa guise. Il n’y a qu’Adrasteia qu’elle appréciait encore dans cette maison de fous. Adrasteia et Olesya aussi, peut-être. Elle n’était pas bien méchante, la ridée. Mais Olesya vieillisait et Adrasteia grandissait. En septembre, elle dû quitter le manoir pour Poudlard, prête à suivre son éducation magique. Maintenant seule avec sa mélancolie et sa musique, Tatiana consacrait entièrement ses journées à Nikolaï, comme pour combler la solitude des jours sans fin par la résonance de son violon. Elle avait fait de son archet sa baguette, et de ses notes sa magie. Lorsque octobre tomba, cependant, Konstantin vint la voir en tête-à-tête pour la première fois depuis des années. « Comme tu le sais, Adrasteia a quitté le manoir pour Poudlard, avança-t-il devant une Tatiana exaspérée qu’on ne lui répète encore l’évidence. Cependant, ne t’imagine pas qu’elle ne faisait rien au manoir. Elle avait un travail très important, et très précis. Vois-tu, sa mère est très malade et Adrasteia jouait pour elle tous les jours. Cela apaisait la malheureuse, apparemment. Mais maintenant que sa fille est partie, je crains que l’état de Valerya ne se dégrade.» Oh, Valerya. Elle ne l’avait jamais rencontrée encore, mais elle en avait entendu parler dans les sous-sols. L’ex-femme du maître, devenant de plus en plus folle au fil des jours. La mère d’Adrasteia. La dernière fille avant le divorce, née durant l’union et donc enfant légitime. Soudain, une pensée foudroya Tatiana. Je suis une honte parce que je suis illégitime. On le lui faisait répéter depuis si longtemps. Et si Konstantin n’avait jamais eu de secondaire maîtresse ? Et si la femme dans la chambre était sa mère ? Sa véritable mère. Celle l’ayant portée, l’ayant mise au monde. Konstantin prit d’un coup la parole, comme s’il avait lu dans ses pensées : « La pauvre femme est en délire. Peu importe ce qu’elle te racontera, ne l’écoute pas. Contente-toi de jouer. » Et c’est ce qu’elle fit durant les deux premières minutes de leur première rencontre. Elle s’était vaguement présentée à la malade qui, étendue sur son lit, fixait le vide sans un bruit. Elle était si immobile qu’on aurait dit un cadavre. Tatiana n’y avait pas fait attention, trop habituée à ne jamais jouer devant un public. Ce manque de réaction la rassurait presque ; elle n’avait pas la pression d’échouer devant quelqu’un, se faisant des attentes. Pour bien suivre le tempo, elle avait pris l’habitude de jouer avec quelques cassettes d’accompagnement qu’Adrasteia lui avait enregistrées avant son départ. Pour ne pas qu’elle l’oublie et qu’elles soient prêtes à jouer ensemble à son retour, qu’elle avait dit. Tatiana avait donc tendu son archet, accordé son violon et installé sa cassette devant Valerya qui n’avait pas bronché. Puis, elle démarra la piste sonore et posa ses crins sur les cordes. La première note de la Gavotte de Martini résonna dans la chambre, et la jeune fille ferma les yeux. Elle connaissait cette pièce par cœur, à présent. Elle la maîtrisait avec perfection, et la corne sur le bout de ses doigts pouvaient témoigner en cette faveur. Elle se laissait porter par cette pièce vive et assez simple, mais qui avait selon elle un charme absolu. Elle laissait aller son instinct à cœur joie, tentant même quelques vibratos ci-et-là. Elle ne le maîtrisait pas encore entièrement, comme c’était une nouvelle leçon. Or, la sensation de la corde qui vibrait sous son doigt et le son mélodieusement distortionné la poussait à toujours tenter le coup, jusqu’à ce que la technique soit acquise et réalisée à la perfection. Car elle savait qu’on n’attendait d’elle rien de moins que la perfection. Voilà plus de deux ans qu’elle s’était mise à la musique et elle avait encore cette peur de voir flamber Nikolaï sous ses yeux. Il avait dû être changé, d’ailleurs, ce bel ami. Tatiana grandissant, il fallait que le violon suive cette croissance. Mais suite aux demandes incessantes de la violoniste en herbe, le gentil luthier avait accepté de recréer Nikolaï en plus grande taille. Un violon sur mesure, fait pour elle, avec la même robe et la même résonance. Il lui fera d’ailleurs cette faveur jusqu’à son violon entier. Terminant sa pièce, Tatiana fit entendre les dernières notes avec passion, avant d’ouvrir les yeux après un silence. Dans son lit, Valerya s’était assise. La bouche entrouverte, les yeux écarquillés, elle fixait la jeune fille avec une intensité effrayante. La pauvre enfant senti son âme comme être transpercée et épiée par cette drôle de femme, et elle serra son violon contre elle pour s’apaiser. « Qu’as-tu dit être ton nom ? » La petite fit papillonner ses paupières, comme pour chasser cette vision fantomatique qui se présentait devant elle. « Tatiana, madame. Tatiana Voronkova. » Valerya eut un ricanement. « Voronkova, hein ? Approches donc. » Et elle s’exécuta lentement, sentant ses genoux trembler. La femme saisit doucement le visage de l’enfant inquiète entre ses mains, et un sourire se dessina sur ses lèvres. Ses lèvres qui ressemblaient beaucoup trop aux siennes. « Tu as ses yeux. Tu as ses yeux et il renie ton existence ? Quel genre d’homme est-ce là? » Et ces iris clairs s’embrumèrent de larmes, alors qu’elle comprit que peut-être n’était-elle pas seule dans ce monde. Mais elle n’avait pas le droit d’encourager cette vérité. Elle n’en avait pas le droit. Alors, elle recula d’un pas, tandis que Valerya poursuivait. « Je voulais qu’ils te nomment Ligeia, comme la petite fille dans ce conte que je racontais à Adrasteia. Oh, Adra ! lança-t-elle, soudainement très paniquée. Où est-elle ? Qu’ont-ils fait à ma fille ? » Tatiana posa doucement ses mains sur les épaules de la malheureuse. « Ne vous inquiétez pas, elle est simplement à l’école ! Elle est en âge d’aller à Poudlard, mère. » Et soudainement, l’étincelle qui avait animé le regard de Valerya disparut, et ce voile d’absence recouvrit à nouveau ses yeux. « Ah, Poudlard. N’est-ce pas amusant comme nom? Ridicule. Complètement… ridicule… » Et elle s’allongea et fixa le plafond à nouveau. Tatiana n’osa rien dire et ne fit que jouer. * * * Jusqu’en 1993, Tatiana se présentait quotidiennement au chevet de Valerya. Si la violoniste perfectionnait son art de jour en jour, l’état de la pauvre femme, lui, s’aggravait au fil des semaines. Ses bonnes journées étaient rares et elle ne reconnaissait Tatiana que de temps à autre. Il lui arrivait parfois cependant de réclamer sa fille en hurlant et, lorsqu’on essayait de la raisonner, lorsqu’on essayait de lui expliquer qu’Adrasteia était à Poudlard, elle beuglait en gesticulant : « Non, l’autre ! L’autre ! » Mais comme, selon tous, il n’y en avait pas d’autre, on lui prodiguait une piqûre en maugréant que la pauvre folle avait besoin d’aide. C’est un matin de cette même année que Tatiana entra dans la chambre, désormais déserte. Effrayée à l’idée que la malheureuse, dans un élan de démence, n’ai quitté la chambre et ait mit sa vie en danger en s’enfuyant elle ne savait où, elle lâcha l’étui de Nikolaï. Dans la panique, elle quitta la pièce en courant, ignorant le CRAC violent venant de l’intérieur du boîtier. Elle trouva Olesya, qui lui expliqua avec cet air dur mais empathique que la misérable, dans un élan de folie, avait attaqué Septimus. Abasourdie, Tatiana ne sut quoi en penser. Certes, Valerya n’allait pas bien et n’éprouvait certainement aucun attachement pour ses neveux nés de la semence de son ex-mari. Mais elle n’aurait malgré tout jamais fait de mal volontairement, ou du moins, sans raison. Or, la jeune fille ne trouva pas les mots pour défendre sa mère. Tout ce qu’elle arriva à grommeler fut : « J’espère qu’elle a bien laissé sa marque. C’est tout ce qu’il mérite. » Et elle tourna les talons. Sans pleurer -car elle ne pleurait plus-, elle regagna la chambre pour retrouver son seul et unique compagnon. Nikolaï reposait encore dans son étui, que Tatiana ouvrit avec précaution pour constater les dégâts de sa chute mortelle. Il n’avait rien. Dieu merci.
- Bartók | 95:
Ce que c’est grand, un manoir, lorsqu’il n’y a personne pour le combler. Ce que c’est vide, une cour somptueuse, lorsque plus personne ne s’occupe de ses fleurs. Ce que c’est triste, une salle de musique, lorsqu’il n’y a qu’une violoniste blasée qui se trouve en son centre. La somptueuse pièce circulaire, qui avait auparavant émerveillée Tatiana, avait maintenant quelque chose de fade. Ses murs crème lui paraissaient gris, et ses immenses fenêtres ne semblaient plus laisser entrer la moindre trace de soleil. Le piano de jais était sale de poussière, et les chaises n’avaient plus accueilli le moindre spectateur depuis des années. Sur le sol de marbre, la jeune adolescente était allongée aux côtés du foyer qui crépitait, et observait les faibles flammes danser devant son regard vitreux. Depuis que Valerya avait été internée, elle n’avait plus trouvé de raison de jouer. Comme cette pièce, sa musique était devenue sans saveur, sans vie. Purement technique, elle exécutait les numéros devant les invités des maîtres sans broncher, et les laissait applaudir en se maudissant intérieurement de massacrer des morceaux pourtant si communicatifs. Tatiana posa les yeux sur Nikolaï, qui reposait à ses côtés. Peut-être aurait-il dû être brûlé, finalement. Peut-être le maître avait-il eu raison, et peut-être qu’elle n’était rien. Qu’elle ne méritait pas cette quatrième version de son instrument, de ce compagnon qu’on lui avait créé sur mesure. Peut-être même que ces souvenirs où elle appelait Konstantin père n’étaient que le fruit de l’imagination d’un esprit solitaire en quête d’apaisement. Peut-être Valerya était-elle vraiment folle, et que la jeune fille n’était l’enfant ni de l’un ni de l’autre. On lui avait tellement martelé le crâne avec cette histoire d’abandon de la part de parents moldus qu’elle se demandait de temps à autre si elle n’était pas vraie, après tout ? C’était les pas de son professeur qui la tirèrent de ses pensées nébuleuses. Gospodín Rostov, qu’elle l’appelait. Étant sorcier, ses talents de transplanage lui avaient permis de continuer à suivre son élève malgré le déménagement de la famille. De toute manière, jamais Tatiana n’aurait pu apprendre d’un professeur dont elle ne connaissait ni la culture, ni la langue. « Et bien, Tatiana ? On chôme ? Je croyais que cet endroit n’avait nulle place pour une paresseuse. » C’était vrai, elle le savait. Cet endroit n’avait nulle place pour elle. « Je sais bien, Gospodìn Rostov. Mais, je ne sais pas… Depuis qu’elle est partie, on dirait que je n’ai plus de vraie raison de jouer. C’est idiot, mais j’avais envie de l’aider à aller mieux avec ma musique- » « Et vous y êtes parvenue, j’en suis convaincu. » Tatiana haussa les sourcils, avant de soupirer bruyamment et de rapporter son attention au feu qui crépitait. « Visiblement pas assez. » C’est le professeur qui soupira cette fois, avant de déposer l’étui de son violon sur le piano. « Très bien. Cessons de nous morfondre, voulez-vous? Dégainez et tendez moi cet archet. » En grommelant, Tatiana se mit sur pied et saisit son violon, tandis que son professeur prenait place au piano. En se dirigeant vers celui-ci, elle fit entendre les cordes vides de son violon, pour s’assurer de sa justesse. Mais Nikolaï passait le plus clair de son existence à être utilisé, et n’avait donc que très peu de temps pour se désaccorder. « Bien. Vous souvenez-vous de ce que nous avons travaillé lors de notre dernière rencontre ? » Évidemment qu’elle se souvenait. La danse de la fée dragée. Qui ne se souviendrait pas d’un tel classique. Elle ne fit que hocher de la tête face à cette question inutile, et se mit à jouer. Machinalement, elle laissa papillonner ses doigts, tandis qu’ils couraient sur les cordes. Machinalement, elle ondula le poignet et tendit le bras, laissant glisser son archet sur l’instrument. Machinalement, elle plissa les yeux lors d’un passage complexe, avant de retomber sur le pilote automatique. Et, machinalement, elle ne s’arrêta pas de jouer lorsque son professeur, lui, s’interrompit. Il lui fallut près d’une minute pour saisir qu’elle était seule à jouer. À cet instant, elle s’interrompit. « Il y a un problème avec ma justesse, Gospodìn ? » L’homme secoua la tête. « Non, Tatiana. Votre justesse est impeccable, tout comme vos gestes techniques. » Perplexe, l’adolescente le dévisagea. « Alors pourquoi on s’arrête ? » Il releva la tête et plongea ses yeux dans ceux de son élève. « Car vous vous ennuyez, Tatiana. » Et il avait bien raison. Elle s’ennuyait à en mourir, à force de n’exécuter que des valses et des opéras et des ballets depuis le début de son apprentissage. Elle ne faisait que travailler pour la maison, à jouer lors des soirées mondaines des pièces se ressemblant de plus en plus. Songeuse, elle baissa la tête vers le sol et fixa ses pieds. Ce n’était pas le violon qui lui donnait ce sentiment de vide, mais plutôt cette absence de défi et ce manque flagrant de sentiment de réalisation. Elle stagnait, elle devenait ce que l’on attendait d’elle. « Asseyez-vous donc. Je voudrais vous présenter quelqu’un. » Tandis qu’il fouillait dans son cartable de cuir, Tatiana se posa tel que demandé, après avoir laissé son violon sur le piano. Rostov était probablement le seul sorcier qu’elle avait rencontré, en dehors d’Adrasteia, à ne point l’avoir traitée en servante. Il était le seul qu’elle avait croisé qui voyait en elle plus qu’un outil, qu’une amuseuse bon marché. Il percevait en elle un potentiel que les autres se forçaient à ignorer. « Connaissez-vous Bartók, Tatiana ? » Perplexe, elle secoua la tête. « Et bien, laissez-moi vous le présenter. » L’homme installa ses partitions contre le lutrin envahi par Tchaïkovsky et posa son archet au talon. Et il s’exécuta dans un concerto qui coupa le souffle à une Tatiana qui croyait revivre ses premiers instants dans la salle de musique. Ce qu’il jouait avait quelque chose de différent, de dérangeant. De par sa musique, elle avait l’impression qu’il voulait faire bouger cette colère en elle, tout comme Bartòk avait probablement souhaité défier les règles de la musique classique. Complètement hypnotisée, elle observait cet archet qui s’animait avec une attention presque religieuse, alors que tout son corps était parcouru de sensations qu’elle ne reconnaissait pas. Celle d’une haine qu’elle avait tassée, qu’elle avait cachée, et qui s’animait sous ces notes provocatrices. Dans le foyer, le feu brillait encore plus ardemment, comme si la flamme dans le cœur de Tatiana lui avait donné plus de ténacité.
- Anya | 96:
Assez. C’en était assez. Les soirées mondaines des Raventhrone à jouer comme un pantin, les regards méprisants de toute la maisonnée, les murmures anglophones des invités à son égard desquels elle ne saisissait que des bribes. Ces journées de silence où on ignorait sa présence, où elle n’avait personne à qui parler. Sans Valerya, sans Adrasteia, le manoir semblait dépourvu de gaieté, dépourvu de chaleur.
Elle avait quatorze ans. Elle ne parlait pas anglais, elle ne connaissait point Londres. Elle n’avait ni argent, ni possession. Mais une nuit de Juillet, malgré tout, elle saisit Nikolaï et s’infiltra dans la chambre des maîtres. Dans le tiroir de la table de chevet de Konstantin se cachaient, comme elle le savait, divers billets d’argent moldu et plusieurs pièces de monnaie sorcière. Dans sa veste, qu’elle portait malgré la chaleur pour l’hiver à venir, elle avait enroulé une simple robe et avait caché quelques billets. Elle avait ensuite poussé la bibliothèque de la chambre, découvrant ainsi un tunnel sombre qui semblait s’étendre à l’infini. Passage menant à l’extérieur qu’elle avait trouvé deux ans auparavant, en explorant le manoir à sa guise.
Après avoir replacé le meuble, elle s’engouffra dans la nuit londonienne. En s’enfuyant dans la noirceur des rues, elle prit la décision de laisser Tatiana auprès des servants, auprès des dominés. Ce soir là, Tatiana mourut. Tatiana le maillon faible, Tatiana le mouton noir, Tatiana la cracmole illégitime. Elle brûlait dans les flammes qui auraient pu consumer Nikolaï. Elle brûlait dans le foyer de la salle de musique, dansant de son ombre contre les murs crème d’une pièce dorénavant silencieuse. Elle brûlait du feu de la haine qui consumait le cœur encore frêle et vulnérable d’une jeune fille dont on avait abusé. Et de ses cendres, de ses pauvres cendres noires comme son destin, émana celle que l’on appellerait dorénavant Anya.
Elle avait quatorze ans. Elle ne parlait pas anglais, elle ne connaissait point Londres. Elle n’avait ni argent, ni possession. Mais en cette nuit de Juillet, avec Nikolaï contre son dos, elle était libre.
- Fiona | 97:
Elle avait fait des bancs son lit, de la rue son refuge, du métro sa maison. Elle jouait pour gagner son pain. Et c’est bien tout ce qu’elle mangeait, du pain. Elle n’avait de l’argent pour rien d’autre, pas même de simples bouteilles. Les fontaines publiques se chargeaient de lui prodiguer l’eau dont elle avait besoin.
Au départ, l’adaptation avait été ardue. Dormir à même le sol, se faire chasser comme un rat, ne pas manger à sa faim… Certes, les Raventhrone l’avaient traitée avec arrogance et supériorité, mais elle n’avait jamais manqué de rien. On lui avait toujours offert ses trois repas par jour et, une fois en Angleterre, on lui avait même permis de participer à l’heure du thé avec les autres domestiques une fois par semaine. Elle n’avait jamais apprécié le goût amer de cette boisson, mais considérait l’acte comme un véritable privilège et avait donc toujours terminé sa tasse. Alors, soudainement se retrouver avec encore moins que le peu qu’elle avait connu fut une désillusion brutale. Or, cette liberté nouvelle de ses mouvements et de ses paroles lui donnait une raison de continuer à avancer dans la vie, même si elle le faisait entièrement à l’aveuglette.
Les quais souterrains étaient devenus sa scène et les passants pressés, son public. C'était de leurs quelques pièces qu’elle vivait, de leur maigre générosité dont elle dépendait. Or, tous les jours, elle jouait. Et tous les jours, elle observait ces passants de ses yeux clairs, qui paraissaient maintenant enfoncés dans leurs orbites de par sa maigreur. Ses bras autrefois minces et graciles étaient maintenant squelettiques, et elle se demandaient parfois si les voyageurs ne lui donnaient de l’argent pour la magie de sa musique ou plutôt par pitié pour la maigreur de ses jambes.
Cela faisait déjà plus d’un an qu’elle vivait ainsi à la rue, comme une bohémienne en quête de sa Cour des Miracles. Elle vagabondait de station en station, comme à la recherche d’un tournant dans sa vie. Elle avait déjà songé à quitter Londres, de peur de tomber sur un membre de la maison Raventhrone. Mais rapidement, elle avait saisi que personne ne la chercherait. Alors c’était elle qui cherchait.
Là où elle préférait jouer était la station Rotherhithe. Près de la Tamise, elle était peuplée de passants aux airs moins sérieux qu’aux autres arrêts. Anya adorait terminer ses soirées de travail dans ce lieu lors des chaudes nuits d’été. Elle pouvait ensuite aller admirer le fleuve en paix, et s’endormir sous le son calme de l’eau qui ne pouvait rester en place. C’est lors d’un soir chaud, alors qu’elle rangeait Nikolaï dans son boitier, que l’adolescente fut surprise par une voix féminine qui la fit sursauter: « Ça fait plusieurs fois que je passe et que je t’entends jouer. Tu as un véritable don ! » Anya releva la tête vers ces paroles dont elle n’avait strictement rien compris, et répéta la phrase qu’elle connaissait dorénavant par cœur : « Je ne comprend pas l’anglais. » La femme s'esclaffa, avant de s’abaisser au niveau de la jeune fille, en prenant soin de tirer sa jupe crayon. « Je, commença-t-elle en posant une main contre son coeur, m’appelle Fiona. Fi-o-na. Et toi ? » Elle avait pointé son index vers l’adolescente, qui crut comprendre la question. « Anya. Moi, Anya. » Fiona lui offrit un doux sourire. Elle devait être dans la cinquantaine, et avait tiré ses cheveux cendrés en un chignon serré. Son physique sévère contrastait violemment avec ce sourire chaleureux, qui offrit à Anya un sentiment de confiance qu’elle n’avait jamais connu. « Tu as une maison ? Une famille ? » L’adolescente réfléchit. Maison. Elle avait entendu ce mot quelque part… Ah, oui ! Maison !
Anya secoua vivement la tête. « Pas maison. Pas parents. Juste Nikolaï. » Fiona inclina la tête. « Nikolaï ? » C’est l’adolescente qui sourit cette fois, et saisit son violon avec engouement. « Nikolaï ! » La femme fit un Aaah! bruyant, ayant compris ce à quoi faisait allusion la petite, et se prit d’un rire quelque peu forcé. Mais Anya ne le remarqua pas. « Dis moi donc, mon enfant, es-tu magique ? As-tu des pouvoirs ? Tu es sorcière ? » Ah, sorcière. Si il y avait un mot qu’elle connaissait encore plus que money, please, c’était bien sorcière. C’est avec vigueur qu’elle secoua à nouveau la tête. « Jamais ! Sorcières sont сука. » Sans comprendre le sens du mot, Fiona croisa les bras contre sa poitrine, se doutant bien qu’il ne s’agissait point d’un nom doux. Et à cet instant, un sourire se dessina sur son visage. Il n’était pas chaleureux comme le premier, ni doux. Il était charismatique, entraînant. Ce même sourire que l’on retrouve sur les visages des hommes politiques ou des vendeurs de voiture. Mais Anya ne connaissait pas ce sourire hypocrite. Ce sourire que revêtissent ceux qui sont à deux doigts d’attraper leur proie. Elle n’y voyait que quelque chose d’étrangement attrayant.
« Je suis comme toi. Je ne les aime pas non plus. Et nous sommes plusieurs à penser ainsi. » Anya hocha de la tête, sans avoir un seul indice quant au sens des paroles de la femme. Mais elle buvait chacun de ses mots, comme si son coeur y déchiffrait une signification. « Que dirais-tu d’avoir une famille à nouveau, Anya ? Une maison ? » Et l’adolescente fronça des sourcils. Maison ? Lui offrait-elle un foyer ? Fiona se releva et tendit la main à l’adolescente toujours à genoux. « Viens avec moi, Anya. Je vais te présenter à ta nouvelle famille. Tu décideras ensuite si elle te convient ou non. »
Et l’adolescente au coeur vulnérable se releva, saisit Nikolaï et suivi Fiona vers la sortie de la station. « Fiona ? fit-elle timidement. « Euh… Famille à Fiona, quoi le nom ? » « Le nom de ma famille ? C’est ce que tu demandes ? » Anya hocha la tête, alors qu’elles se rapprochaient de la rivière. Fiona s’arrêta et plongea ses yeux clairs dans ceux de l’adolescente.
« Tu peux nous appeler Gloriam. »
- 97-00:
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À propos du joueur... | | Prénom ou pseudo : Alda Bella, elle l’a ! Ouuh ouh, ouh ouuh ouuhh ! | ge : 18 ans et toutes mes dents ! | Célébrité sur votre avatar : Odeya Rush | De quelle manière avez-vous trouvé le forum ?:) | Avez-vous lu le topic dédié aux nouveaux joueurs (ici) ? Oui madame ! |
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