Chapitre 1 - Ma première naissance
Je suis né. On est le 28 mai 1980 à Rennes. Le ciel est gris, ici, le vent hurle dans les rues. Je suis né, c’est mon moment à moi : c’est moi qui doit hurler plus fort que toi, le vent. J’ai faim. Enfin je crois que j’ai faim, finalement je n’ai pas de mots à mettre sur ces sensations, c’est très nouveau. Avant, maman m’hydratait et me nourrissait en permanence. Je n’ai jamais eu faim, je n’ai jamais respiré. Sensations. Ici, il n’y a que de la lumière, les sons ne sont plus étouffés par ce liquide dans lequel j’ai baigné, neuf mois durant. Sacrée histoire, quand même ma naissance…
Il paraît que je m’appelle Matthew. Ou Matthieu, je ne sais pas trop. Maman m’appelle par ces deux prénoms. Je sais qu’elle est Maman, que Papa est lui et que Grace est Grace. Mais je ne le leur ai pas encore dit. Patience, vous saurez bien assez tôt qui vous êtes. Moi par contre, je n’ai pas besoin de savoir mon prénom pour me connaître. Je suis un tout. Je connais tout. Les êtres qui passent devant mes pupilles, les choses inanimées aussi, je les connais. Mais je ne les nomme pas encore. Patience.
Je cours, c’est tellement agréable. Je peux voir les choses sous un angle nouveau, avant je ne savais que ramper. Puis quand Maman ne veut pas me donner ce que je veux, je peux le prendre, ou tout du moins, lui donner l’impression que je le peux. Alors elle a peur, Maman, elle met les objets fragiles de la maison plus haut que moi. Je tends la main vers les jolies fleurs et les chocolats, mais c’est trop haut. Il va falloir que je grandisse.
Je suis allé à l’école aujourd’hui. J’ai rencontré des gens, vu une nouvelle dame, elle s’appelle Maîtresse ou Emilie, on l’appelle comme on veut. Moi je l’appelle Maîtresse Emilie c’est plus original. Je ne veux pas faire comme les autres enfants. Ils sont bêtes, ils morvent en permanence, bavent sur les jouets en bois qu’on nous donne. On court partout dehors, à la récréation, ça j’aime bien. Le vent dans mes cheveux la puissance dans mes jambes et l’impression que je pourrais faire le tour de la Terre sans m’arrêter, ça me donne la sensation de vivre. Vivre bordel.
Chapitre 2 – Naître dans une famille
J’ai pas beaucoup parlé de ma grande sœur, Grace. Grace c’est un rayon de soleil à elle toute seule, elle connaît plein de choses que je ne connais pas et elle joue toujours avec moi quand je m’ennuie. Mais je me garde bien de lu faire ces compliments, manquerait plus qu’elle croit que je l’aime.
Ce soir, Maman n’est pas très contente et Papa me regarde d’un œil noir. J’ai une punition. Encore. Oui encore, c’est pas de ma faute si la maîtresse ne veut pas que je monte dans les arbres de la cour, ou si elle ne veut pas que me batte avec Rémi parce qu’il m’a volé mon bonnet préféré : celui qui est noir avec des rayures violettes. On voulait régler ça entre hommes nous. Alors, oui, oui je lui ai mis ce coup dans le nez, mais je voulais pas que ça saigne hein ! Faut pas croire que je suis un rustre non plus, un de ces nuls qui se battent pour le sang. Moi je me bats pour l’honneur ! Mais, ils n’y comprennent rien à l’honneur, les adultes…
Chapitre 3 – Ma vraie naissance
C’est incroyable. C’est beau et majestueux, je n’ai pas de mot pour décrire cet animal. Un cheval. Un poney plutôt. Et quand on m’a laissé monter dessus…. Des sensations. Des choses que je n’avais jamais ressenties : c’est comme courir mais en mieux, en plus vite. A quatre pattes. Alors il faut s’accrocher, s’agirait pas de tomber… Je lève la tête vers les nuages, je souris. Elle et moi on pourrait le faire ce tour du monde sans s’arrêter ! Ca se termine si vite, ma première leçon d’équitation. Je dis au revoir à Etoile, le gentil poney qui m’a accueilli sur son dos et je repars, mais je reviendrai.
Moi je veux aller plus vite et plus haut. Etre le meilleur. Il n’y a personne qui monte aussi bien que moi, personne. Grace me regarde de l’autre côté de la barrière, elle applaudit même. Mes parents aussi, même si maman a l’air désintéressée de la situation. Maman n’aime pas l’équitation. Maman n’aime pas grand-chose de ce que je fais… Et l’école dans tout ça ? A l’école on va pas si vite, on vole pas si haut, on apprend pas à s’occuper des chevaux… Ils sont si beaux, les chevaux…
Chapitre 4 – Renaître ailleurs
Changer de pays, découvrir la culture britannique de mon père, voilà ce qui nous attend pour les années à venir. Nous sommes à Londres, nous habitons Londres. La ville est si grande, les taxis sont jaunes, les cabines téléphoniques sont rouges. Ca crève le ciel gris, bien plus gris que dans ma Bretagne natale. J’adore. J’ai l’impression de vivre plus intensément : petite tâche de couleur ridicule dans tout le gris. J’ai des nouveaux copains, de nouvelles copines : je suis français, les gens sont interloqués. Ils veulent goûter un peu l’exotisme du vieux continent.
La fête bat son plein. Ca fait une éternité maintenant que je charrie Grace avec son Charlie. C’est aujourd’hui que je vais le rencontrer, je le sais, son amoureux. Le garçon qui lui fait écouter des chansons romantiques dégoûtantes, chantonner dans la salle de bain pendant des heures… Je déambule parmi tous les amis de ma sœur. Et je les trouve, elle rit aux éclats en parlant à ce type brun. Je le jauge de loin du regard, ça a l’air d’être un gars bien, elle a l’air d’être heureuse. Il s’éloigne d’elle et se rend vers le buffet, je fais de même.
-Tu es Charlie c’est ça ?
Il est surpris, ne répond pas.
-Je suis Matthew, enchanté. Le frère de Grace, tu vois ? Je voulais juste te dire que t’as intérêt à être un gars bien avec ma sœur.
Je l’aimais bien, Charlie. Je l’aime toujours bien, même si c’est fini entre lui et Grace. Il ne me traite pas comme un enfant et il me comprend. Il écoute, je lui dis des choses que je n’ai pas dit à beaucoup de monde jusqu’à présent. Pas même à Grace… Ca va être un peu étrange maintenant qu’ils ne sont plus ensemble, il va falloir trouver de nouvelles habitudes, mais c’est un ami que je ne perdrais sous aucun prétexte. Et puis, être pote avec un sorcier, c’est la classe. C’est le premier que je peux considérer comme un ami dans toute mon existence et nous ne sommes pas si différents, je trouve. La culture diffère un peu, l’éducation n’est pas la même, mais au final on est tous des êtres humains. N’est-ce pas là la seule chose qui importe ?
Chapitre 5 – Qui suis-je ?
J’ai quinze ans. J’ai des questions plein la tête et le coeur qui tourne à toute vitesse. Ma motivation n’a pas changé depuis mes premiers pas : aller plus vite, aller plus haut… Toujours. L’école ? Ce n’est pas ma priorité, les professeurs disent que j’ai les capacités mais pas la volonté. Tant pis. J’ai des amis, beaucoup, des filles qui m’envoient des petits mots…
L’autre soir, j’étais au cinéma avec Mary, Louisa et Camilla et j’ai raccompagné Mary chez elle. Elle a les yeux bleus et des cheveux roux flamboyants, elle est splendide, Mary. Elle a des fossettes aux coins des joues quand elle sourit et un petit froncement de nez tout charmant aussi quand un rire franc et éclatant sort de ses lèvres. Elle est très belle.
- Matt, je me demandais…
Je pose mon regard vers elle, elle est silencieuse depuis tout à l’heure, perdue dans ses pensées.
- Ca fait longtemps qu’on se connaît, non ? Eh bien, je me demandais… Parce que tu vois moi, je… Je pense que je ressens quelque chose pour toi.
Je m’arrête pris de court. Mon coeur bat à toutes vitesse, ma gorge se serre et mon corps tout entier me crie de… Fuir ?
Mary, Louisa et Camilla ne me parlent plus. Elles me lancent des regards noirs dans les couloirs ou en cours. Des rumeurs grondent à mon égard, des mots pas doux, des mots durs qui me frappent un à un plus forts que les autres. Ne peuvent-ils pas comprendre ? Ne peuvent-ils pas admettre cette réalité qui m’est tombée dessus ? Je suis qui je suis, j’aime qui j’aime. Je ne peux pas jouer un rôle, prétendre, je ne veux pas. Oui mais voilà, la société en a décidé autrement : je suis un garçon, je devrai donc aimer les filles, remplir mon rôle d’homme, donner naissance à une portée d’enfants qui seront à mon image : des outils d’un monde qui se veut moderne, qui se veut ouvert. Mais qui ne l’est pas.
Il paraît que je suis un dégénéré, il paraît que je vais mourir du SIDA, comme Mark Ashton* et tous ces cinglés de gays. Il paraît que je suis malade. Il paraît que ça va passer, avec le temps.
Ils ont tort. Je sais qui je suis, peu importe leur avis, peu importe les on-dits et leurs mascarades, leurs menaces, et leurs peurs. Peu importe.
Il est 20h, Grace et moi sommes seuls à la maison, les parents sont à un repas chez des amis. Elle lit, sur le canapé, je prétends regarder la télévision, mais mon cerveau tourne à deux cent à l’heure.
- Grace, je suis gay.
- Matt, je le sais depuis que tu as quatre ans, quand je t’ai surpris à embrasser Peter Pan sur ton poster.**.
Je souris bêtement. Ma soeur est parfaite.
Chapitre 6 – Je suis.
Tenir sa main dans la mienne en pleine rue, oui, sous le regard des passants éberlués. Sentir les regards se poser sur nous mais ne pas s’en soucier. Là réside tout mon bonheur : voir le mépris ou la feinte indifférence chez tous ceux que je croise, mais ne pas m’en occuper. Finalement, où est le mal ? Ces moments de doutes qui m’ont submergés quand j’ai fini par accepter l’évidence sont remplacés par ces moments de félicité : quand je peux être un adolescent de seize ans qui aime un autre adolescent de seize ans et défier du regard cette société sénile qui fustigent ceux qui prennent ce qui leur revient de droit. Or, moi je veux tout prendre.
Je sens le cheval prendre son élan pour passer l’obstacle suivant. La foule se tait, tout n’est que bruit de sabot, ma respiration qui s’accélère au rythme de la course de ma monture. Et le saut : les nuages, un quart de seconde. L’annonce des résultats me transporte de joie : encore un concours de remporté, encore une victoire arrachée à la sueur de notre travail conjoint. Je regarde dans les tribunes, Grace m’acclame, ma mère a les lèvres pincées et mon père semble ailleurs.
Je sais ce qu’elle pense : cavalier ce n’est pas un métier, je gâche mon potentiel. Mais qu’à cela ne tienne : personne ne prendra de décisions me concernant à ma place. Elle veut le contrôle, me diriger comme bon lui semble vers une carrière qui correspond plus à ses idéaux pompeux ; mais elle a fini par comprendre, après toutes ces années, qu’elle ne peut rien, rien pour me soumettre à son bon-vouloir.
Chapitre 7 – Dans quel monde suis-je né ?
Le monde a subi un changement, il y a quelques années, lorsque le secret magique a été révélé. Pour ma part, je n’étais qu’un nourrisson quand ces événements ont eu lieu, je n’ai donc jamais connu le monde sans la magie, sans la guerre des castes moldues et sorcières. On peut croiser dans la rue tout un tas de gens aux allures étranges - quand on se réfère à des standards moldus - et se faire traiter de moldu à un coin de rue. Ca ne m’atteint pas, j’ai fini de prendre en compte les insultes qui prennent leur source dans qui je suis : oui, un moldu, gay, cavalier, un peu trop libre pour vous…
Une rumeur sourde s’insinue néanmoins chez les sorciers : des guerres intestines s’ajoutent à la lutte secrète des moldus et mages. On parle de plus en plus de querelles de sang, les nés-moldus sont rejetés, stigmatisés voire tués ou disparus. La communauté non-magique n’est pas atteinte par le retour d’un mage noir au pouvoir dans
leur partie de l’Angleterre. Néanmoins, des catastrophes adviennent à des intervalles plus rapprochés. Le gouvernement ne semble pas attribuer ces faits à ces Mangemorts, comme on les appelle, mais ne donne cependant aucune explication probable à ces événements…
Maman déteste les sorciers, elle en a peur. Elle ne veut plus que je m’approche de cette communauté, mais maman a peur de tout ce qu’elle ne connait pas, elle a peur de tout ce qui s’éloigne de son petit monde embourgeoisé… J’ai pris depuis longtemps le partie de ne pas me soucier de son avis…
Chapitre 8 – Pourquoi suis-je né ?
-M. Hamilton, les résultats de l’IRM sont formels… D’après cette imagerie,il semblerait que vous ayez une sclérose en plaques. Vous pouvez voir les tâches blanches ici et là…
Ma vision se brouille, mes oreilles n’entendent plus.
-Grace, je suis dans mon lit et… Panique pas ok ? Faut que tu viennes me chercher, que tu m'emmènes à l’hôpital… Rien de grave, je peux plus bouger mon bras et ma jambe gauche.
-On va examiner ça, vous sentez quand je touche ? Là ? Ici ?
Oui je sens, mais je ne peux plus bouger, bordel, qu’est-ce qui m’arrive ?
-Appuyez sur ma paume avec votre pied, comme ça ?
Non je ne peux pas bordel, je vous le dis, je ne peux pas bouger ma jambe.
-On va vous emmener en IRM, M. Hamilton. Vous devez rester ici jusqu’à cet après-midi, on aura plus de disponibilités à ce moment là.
Où voulez-vous que j’aille de toute façon, hein ? Je peux pas marcher sur une jambe, je peux pas monter à cheval sur une jambe et avec un seul bras.-On va faire une ponction lombaire pour vérifier mais le diagnostic est déjà posé.
-Qu’est-ce que ça signifie ? Il va remarcher, docteur ?
-Ecoutez, la sclérose en plaques est une maladie qui évolue par poussées, vous me dites avoir déjà eu des fourmillements persistants dans le bras droit, l’impression que votre vision centrale se brouillait ? Ce sont des signes de la maladie, aujourd’hui vous vous êtes plus inquiétés du fait de l’hémiplégie. Elle va disparaître d’ici 48h, on va vous injecter des corticoïdes en intra-veineuse pour accélérer le retour à l’état normal.
-Je ne suis pas sûre de comprendre, docteur…
-Votre frère va rencontrer ce genre de symptômes par poussées à des intervalles de 6 mois à 1 an en règle générale. Les symptômes sont variés : paresthésies, hémiplégies, paraplégies, scotomes de la vision centrale… Ils disparaissent tout seul normalement mais on aide la récupération par des injections de méthylprednisolone, des corticoïdes, mais on ne peut rien faire de mieux. Je dois vous prévenir que parfois, des séquelles peuvent subsister.
Des séquelles.
Et si je ne pouvais plus monter à cheval ? Que deviendra Kenobi ? Mon magnifique Haflinger, acquis il y a quelques temps… Je devrais… Le revendre ? Non, impossible, impossible.-Tu devrais ralentir Matt, on sait pas à quel moment tu peux avoir une poussée, ça fait 6 mois depuis la dernière...
-Hors de question Grace, je ne peux pas vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête….
Tu ferais mieux d’écouter ta soeur…Mais non, moi je n’écoute personne, entendu ? Je monte à cheval si je le veux : je suis cavalier. Alors oui, je prépare Kenobi, monte sur son dos et nous nous élançons dans le parcours d’obstacle.Premier saut… Deuxième saut : le bleu du ciel m’envahit, la sensation de hauteur aussi et soudain : le noir devant moi : je ne vois plus rien. Non. Non. Stop. La chute. Kenobi hennit mais reste calme, je suis à terre et je hurle. Ma jambe. Des gens accourent auprès de moi. Au sol.
Je suis cloué au sol, avec une béquille. Cloué au sol par mon propre orgueil. Mais tu ne gagneras pas saleté de sclérose….
Depuis ma chute, tout a changé. Je ne peux plus marcher très longtemps sans avoir besoin de béquilles. Je m’écroule, mes muscles tremblent au bout de 500m. N’est-ce pas ridicule ? Alors, tout ce que je peux faire c’est boitiller jusqu’à l’écurie, emmener mon somptueux compagnon équin se dégourdir les pattes dans les chemins de la campagne anglaise. Respirer l’air frais, cloué au sol, pauvre tripède, pauvre infirme. C’est quelque chose l’orgueil, l’orgueil qui nous pousse à courir à l’encontre du sens du vent. Mais prends garde, le vent te rattrape toujours, il te fait ployer et tu n’as plus qu’à tomber à genou et demander pourquoi toi ?
L’année qui suit mon diagnostic est un désastre. Je me lève ou ne me lève même pas certains jours. D’autres fois, je sors toute la nuit pour aller perdre mon corps dans l’alcool et danser, sauter jusqu’à en perdre mon âme entre des corps suants, d’autres personnes perdues dans les nuits décadentes londoniennes, jusqu'à ce que ma jambe lâche et que la douleur prenne le dessus avec les fasciculations.
J’ai des sursauts de conscience, parfois, et je sors ma carcasse de mon appartement, surtout lors des visite de ma mère. Lorsque Mme Hamilton me regarde d’un oeil encore plus noir que jamais. Je suis
faible : d’autres ont des maladies plus graves, trouve toi un avenir mon fils, tu vois quand je t’avais dit de mieux travailler, tu pourrais déjà être en droit et tu n’aurais pas cette béquille… Oui maman, dis le avec dédain comme ça, montre moi à quel point je suis indigne de ton nom, indigne de ma naissance. Toi qui m’a porté neuf mois et qui a passé dix-neuf ans à me critiquer, à me reprocher, à me rabaisser. Ah oui, il n’est pas assez viril, ton kid***, pas assez masculin, hein ? Trop féminin, attiré par des sports de filles, des jeux de fille, amoureux des garçons et cloué au sol par son orgueil.
Je te l’avais dit : pourquoi donc aller te gâcher, gâcher ta réputation, mauvais fils, engeance indigne. Et maintenant en plus d’être malade d’homosexualité - ça passera, tu es encore jeune - tu es malade tout court et infirme avec ça. Pauvre enfant naïf, tu es bien puni de n’avoir su écouter ta mère….
Alors oui, je sors pour oublier ces remarques incessantes, ces remontrances désobligeante. Je dois fuir. Ou j’en crèverai.
Alors oui, je sors pour oublier ces remarques incessantes, ces remontrances désobligeante. Je dois fuir. Ou j’en crèverai.
Chapitre 9 – Vivre ici
Ma soeur a emménagé il y a quelques temps à Atlantis. C’est une petite ville neuve, création d’un homme audacieux dans un but non moins audacieux : réunir dans une même bourgade des sorciers et des non-magiques. C’est une cité qui prône la mixité et où il fait bon vivre, paraît-il, malgré sa situation marine nordique qui doit apporter des écumes fraîches et des averses océanes. Je ne lui ai pas rendu visite depuis qu’elle vit là-bas et ne l’ai vu qu’à ses visites londoniennes.
Il est temps que je sorte de cet état torpide dans lequel je me suis plongé : je dois fuir, fuir loin de la portée de ma mère vers des horizons neufs : Atlantis… Oui mais que pourrais-je y faire ? Je n’ai plus d’avenir dans l’équitation mais j'emmènerai tout de même Kenobi, je ne peux me résoudre à le revendre… Alors je réfléchis, des jours durant et j’en viens à la conclusion que je dois faire des études. On a un avenir en étudiant : Grace est kinésithérapeute, elle a étudié pour cela… Alors qu’est-ce que j’aime ? Tout sauf le droit, la médecine et toutes ces filières exigeantes de fils à papa - à maman, en l’occurrence. Qu’aimais-je apprendre à l’école ? Les sciences de la vie ? Le cursus sciences de la vie semblerait me plaire… C’est décidé, je pars : tout plus que décrépir ici.
Sur le bateau qui me conduit à Manadh, je regarde l’horizon battu par les vents : quel avenir me réserve cette contrée ? Je suis heureux de retrouver Grace, ma soeur, la personne que j’écoute le plus, la seule à pouvoir me raisonner. Ma grande soeur, sage, réfléchie et aimante : elle remplit parfaitement le rôle de maman, rôle déserté par la première occupante… Et puis, qui sait ce que l’avenir a préparé pour moi : de nouvelles rencontres, des retrouvailles impensées ? Allez savoir...
*Mark Ashton a été le leader du groupe Lesbian and Gays Support the Minners : un collectif de LGBT qui collectait des fonds et organisait des manifestations aux profit des mineurs oppressés par les réformes de Margaret Thatcher. Regardez Pride si vous en avez l’occasion, ce film est tout bonnement génial, au sens premier du terme.
** Réplique apportée par Grace elle-même.
*** Petite référence à la chanson Kid de Eddy de Pretto qui est un chef-d’oeuvre musical et poétique. A écouter impérativement.